Darmanin, à en couper le sifflet
Ses dernières attaques envers Karim Benzema en attestent : Gérald Darmanin anime constamment le côté droit du gouvernement. Avant de prendre autant parti, le ministre de l’Intérieur officiait comme arbitre dans le Val-de-Marne. Une expérience dont il garde visiblement quelques traumatismes.
Elle était censée déringardiser les hommes en noir et les faire rentrer dans le monde des maillots colorés. Diffusée lors des coupures pubs de Téléfoot, la réclame démarre par un flash qui éclaire le visage d’un arbitre à l’œil perçant. Elle se poursuit par une série de highlights ponctuée par un tour d’honneur sous les projecteurs. Le film dure 22 secondes et montre quelques stars de l’arbitrage du tournant des années 1990, comme Bruno Derrien ou Nelly Viennot. Sur les manches courtes de leur nouveau maillot jaune flashy, le sponsor La Poste. En voix off, ce message : « La Fédération française de football recrute 25 000 arbitres. Renseignez-vous au 0 826 165 000. » La main tendue est facturée 0,15 euro la minute. Si le numéro surtaxé n’est plus d’actualité, le slogan de la pub est quant à lui entré dans la légende du football français : « Arbitres de football, on n’a pas le même maillot, mais on a la même passion. » Une formule qui a marqué une génération de téléspectateurs, parmi lesquels Gérald Darmanin, alors arbitre de district dans le Val-de-Marne depuis deux ans. « Je me souviens très bien de cette publicité. À la même période, j’avais reçu un maillot fuchsia », replace le ministre de l’Intérieur depuis ses bureaux de la place Beauvau. Entre deux réunions sur l’immigration et la sécurité, ce dernier avoue qu’il s’inspire encore du fameux slogan lorsqu’il s’agit de resserrer les liens entre ses troupes. « Je le dis souvent dans des réunions aux policiers et aux gendarmes, parce qu’il y a toujours une guéguerre entre police et gendarmerie : “Vous n’avez pas le même maillot, mais vous avez la même passion” », confie-t-il, avant de marquer une pause, comme s’il était soudain pris d’un doute sur la clarté du message. « Je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne la référence… »
Le choix de l’ambition
Gérald Darmanin a fréquenté le petit monde de l’arbitrage pendant cinq saisons, entre 1998 et 2004. Un choix par défaut plus qu’une réelle vocation, car à la base, le licencié de l’AS Centre de Paris ne rêvait que d’une chose : percer en tant que footballeur. « J’étais un défenseur un peu rugueux, extrêmement moyen, ausculte le ministre. Un dirigeant m’a dit : “Si tu veux faire du haut niveau, il y a un moyen, c’est être arbitre.” » Darmanin, 16 ans, prend alors immédiatement une licence au club de l’AS Banque de France, l’entreprise publique qui emploie sa mère comme concierge. Séparée, elle vit avec son fils dans les locaux de l’institution, rue de la Vrillière, dans le 1er arrondissement de la capitale. C’est elle qui fait les présentations entre son ado et Jacques Mesas, le président du club. « J’ai le souvenir de quelqu’un d’extrêmement timide, réservé, revoit celui que tout le monde appelle “Jacky”. On ne pouvait pas imaginer qu’il allait faire carrière. Sa mère nous l’avait présenté en disant que c’était l’arbitrage qui l’intéressait. C’est toujours une tannée de trouver des arbitres, donc on a dit oui tout de suite. C’était assez inédit d’en avoir un si jeune. »…
Tous propos recueillis par PPB, sauf mention.
Article initialement paru au mois de juin dans le numéro 207 du magazine So Foot.