Cocaïne, alcool, bizutage: après les affaires de l’été, les clubs du Top 14 prennent des mesures pour redorer l’image du rugby français

Même si le sport reprend ses droits à la veille de la reprise du Top 14, l’ombre des affaires extra-sportives continuent de planer au-dessus du rugby français. "L’image actuelle du rugby est faussée, on veut qu’il retrouve ce qu’il incarne", lâche le capitaine de l’UBB Maxime Lucu. Après un été chaotique, les clubs et joueurs de Top 14 ont donc décidé d’agir et d’en parler. A Bordeaux, dirigeants, staff et joueurs ont approuvé la mise en place de tests de dépistage à la cocaïne pour cette saison 2024-2025.

"Il y a cette envie d’éviter qu’un comportement isolé jette le discrédit sur l’ensemble du fonctionnement du club et sur l’image de l’UBB aujourd’hui, confirme le manager Yannick Bru. On a envie de ne pas fuir cette réalité du regard, c’est avant tout un problème de société et ça touche aussi les jeunes qui jouent au rugby. C’est surtout de la jeune génération dont on parle." La mesure doit encore être validée par le comité d’entreprise du club. L’initiative est née de différentes prises de parole lors du stage de présaison à Loudenvielle.

"On en a parlé vu ce qu’il s’est passé ces deux derniers mois, poursuit le demi de mêlée international Maxime Lucu. On est un sport qui est souvent confronté à ça dans les 3e mi-temps. Il y a des caractères plus fragiles que d’autres, il faut faire attention à ces choses-là. On sait que dans le rugby, on sort, on fête les victoires, ça il ne faut surtout pas l’enlever… Ça fait partie de notre ADN mais il faut être conscient de ce qu’il se passe aussi. Ces tests, c’est une façon de se protéger, de faire prendre conscience au groupe et au club qu’on a des règles à respecter comme sportifs de haut-niveau."

"Est-ce que contrôler les mecs, faire des tests c’est vraiment la solution ?"

Au mois de juillet, le président de la FFR Florian Grill militait pour la mise en place de contrôles en semaine via l’AFLD dans les clubs. La cocaïne n’est d’ailleurs pas la seule addiction au cœur des préoccupations des clubs qui ont été nombreux à travailler sur ces sujets ces derniers mois. "On parle de la cocaïne et de l’alcool en ce moment mais c’est aussi le jeu ou d’autres addictions qu’on évoque moins, confie le manager du Stade Toulousain Ugo Mola. On essaie de répondre à la mutation d’une société de jeunes personnes qui disposent de temps, de plus d’argent que monsieur et madame tout le monde. Il faut gérer cet environnement."

A Toulouse, on est plus dans l’échange que la répression pour faire prendre conscience aux joueurs de leurs actes. "Est-ce que contrôler les mecs, faire des tests c’est vraiment la solution ? Je ne sais pas, poursuit Mola. On a regardé ce qu’il se fait dans d’autres sports, aux Etats-Unis. Honnêtement, j’ai presque plus envie de présenter aux joueurs un chimiste pour qu’il leur explique ce qu’ils sont susceptibles de prendre plutôt que leur dire : 'Le jour où t’en prends, tu es viré et on te prend la moitié de ta prime d’éthique'. Il faut qu’on arrive à éduquer et informer."

Des ateliers de prévention à La Rochelle, des règles de vie à Toulon

A Toulon, un cadre précis a également été mis en place entre le staff et les joueurs. Du côté de La Rochelle, suite au contrôle positif d’Oscar Jegou l’an dernier, les jeunes joueurs ont été reçus individuellement pour évoquer le sujet. Des ateliers de prévention ont été organisés. Le premier a eu lieu il y a deux semaines avec l’aide de la Ligue de rugby qui a mis à disposition un de ses médecin-psychiatre et l’ancien joueur professionnel Raphaël Poulain. Le groupe professionnel et le centre de formation ont été concernés.

"On a écrit des choses noires sur blanc avec les joueurs et elles ont été acceptées par tous, détaille le manager du RCT Pierre Mignoni. Si tu imposes les choses avec les générations d’aujourd’hui, ça ne marche pas. On essaie de coconstruire, avec de l’autogestion de la part des joueurs et une surveillance de notre côté." Le rugby français veut gommer les erreurs accumulées et servir d’exemple. Le bizutage est aussi ciblé. La commission de discipline de la FFR a été sollicitée la saison dernière pour traiter deux affaires dans des pôles espoirs.

L’intégration des jeunes joueurs est pourtant une étape obligatoire pour n’importe quel groupe. Là aussi les clubs ont été actifs pour sensibiliser leurs jeunes jours. "Que des mecs tombent des nues sur l’alcoolisme festif, la drogue et le rapport que le rugby a avec les femmes, ils avaient des miroirs en bois et des TV en carton, lâche Ugo Mola. Il y a eu des agissements, par le passé, pas corrects, sauf que dans le passé, ça passait. Ça a toujours été présent, il y a ceux qui ont essayé d’agir et ce n’est pas qu’en punissant… Je pense que la solution viendra en informant et en discutant." Après une année à accumuler les erreurs, le rugby français compte bien en finir avec les dérives extra-sportives et se concentrer enfin sur le terrain.

Article original publié sur RMC Sport