"Je bois tous les jours": le témoignage poignant d'Adriano sur son alcoolisme et son quotidien dans une favela
Les mots sincères d'un "empereur" déchu, d'une ancienne idole qui a perdu de sa superbe et qui lutte contre ses propres démons. Retiré des terrains depuis 2016, et depuis disparu des radars médiatiques, l'ancien attaquant brésilien Adriano a refait parler de lui ces derniers jours, avec la publication sur les réseaux sociaux de plusieurs vidéos tournées dans une favela brésilienne, sur lesquelles l'ex-serial buteur de l'Inter Milan apparait dans un état second. De quoi faire émerger de multiples théories. Adriano serait-il devenu fou? Toxicomane?
Dans un long texte écrit à la première personne, et publié ce mardi 12 novembre sur le site "The Player's Tribune", l'homme aux 48 sélections avec la Seleçao nous explique que non. Mais il doit faire face à un problème tout aussi dramatique: son alcoolisme.
"Je bois parce qu'il n'est pas facile d'être une promesse devenue endettée"
"Je suis le plus grand gâchis du football", lance d'emblée l'"Imperador". "J'aime ce mot, 'gâchis'. Non seulement à cause de sa sonorité, mais aussi parce que je suis obsédé par le fait de gâcher ma vie. Je suis bien comme ça, dans le gaspillage frénétique. J'aime cette stigmatisation. Je ne me drogue pas, comme ils essaient de le dire. Je ne suis pas un criminel, même si j'aurais pu l'être. Je n'aime pas les boîtes de nuit. Je traîne toujours au même endroit dans mon quartier, le kiosque de Naná. Si vous voulez me rencontrer, passez me voir là-bas."
Et Adriano de mettre les pieds dans le plat: "Je bois tous les jours. Comment une personne comme moi en arrive-t-elle à boire presque tous les jours? Je n'aime pas donner des explications aux autres. Mais en voici une: je bois parce qu'il n'est pas facile d'être une promesse devenue endettée. Et c'est encore pire à mon âge."
À 42 ans désormais, le quadruple champion de Serie A explique passer ses journées à traîner dans sa favela de Vila Cruzeiro, à Rio de Janeiro. Il y refait le monde, en jouant aux cartes, en dansant, et donc en buvant. Beaucoup. Une addiction qui, à l'en croire, accompagne son existence depuis bien longtemps.
"Je me souviens de la première fois que mon père m'a surpris avec un verre à la main. J'avais 14 ans et tout le monde dans notre communauté était en train de faire la fête. (...) À l'époque, je ne buvais pas. Mais quand j'ai vu tous ces jeunes... (...) J'ai pris un gobelet en plastique et je l'ai rempli de bière. Cette mousse fine et amère qui descendait pour la première fois dans ma gorge avait une saveur particulière. Un nouveau monde de 'plaisir' s'ouvrait à moi. Ma mère était à la fête et a vu la scène. Elle n'a rien dit. Mon père... Putain de merde."
Et Adriano de poursuivre: "Quand il m'a vu le verre à la main, il a traversé le terrain à la vitesse de quelqu'un qui ne peut pas se permettre de rater le bus. 'Arrête-toi là', a-t-il crié. J'ai dit: 'Oh, mec!' Mes tantes et ma mère ont vite compris et ont essayé de calmer le jeu avant que la situation n'empire. 'Allez, Mirinho (son père, NDLR), il est avec ses amis, il ne va pas faire n'importe quoi. Il est juste là à rire, à s'amuser, laisse-le tranquille, Adriano grandit aussi', a dit ma mère. Mais il n'y a pas eu de conversation. Le vieil homme est devenu fou. Il m'a arraché le gobelet des mains et l'a jeté dans le caniveau. 'Je ne t'ai pas appris cela, mon fils', a-t-il dit."
"J'ai pris une bouteille de vodka, j'ai bu toute cette merde tout seul"
Mais l'ancien international explique que son père - qui a par ailleurs pris une balle dans la tête quand Adriano avait 10 ans - ne pouvait pas être à chaque instant derrière lui. Et que sa mort, quelques années plus tard, a changé sa vie "pour toujours". "Aujourd'hui encore, c'est un problème que je n'ai toujours pas réussi à surmonter", convient l'ex-star des terrains, qui semble faire de cette disparition un élément moteur de sa descente aux enfers.
Tout comme le fait d'avoir dû quitter les siens pour s'exiler en Europe durant sa carrière de joueur. Évoquant ses années en Italie, le Brésilien raconte un Noël où il s'est senti particulièrement seul: "J'étais brisé. J'ai pris une bouteille de vodka. Je n'exagère pas, mon frère. J'ai bu toute cette merde tout seul. Je me suis rempli le bide de vodka. J'ai pleuré toute la nuit. Je me suis évanoui sur le canapé parce que j'avais tellement bu et pleuré. Qu'est-ce que je pouvais faire? J'étais à Milan pour une raison. C'était ce dont j'avais rêvé toute ma vie. Dieu m'avait donné l'opportunité de devenir un joueur de football en Europe. La vie de ma famille s'est beaucoup améliorée grâce à mon Seigneur et à tout ce qu'il a fait pour moi. Et ma famille a fait beaucoup aussi. C'était un petit prix à payer, comparé à ce qui se passait et à ce qui allait encore se passer. Je l'avais bien compris. Mais cela ne m'a pas empêché d'être triste."
Jusqu'au jour où l'appel du pays a été trop fort. "Quand j'ai 'fui' Inter et quitté l'Italie, je suis venu me cacher ici", raconte Adriano. "J'ai parcouru le quartier pendant trois jours. Personne ne m'a trouvé. Il n'y a aucun moyen de le faire. Règle numéro un de la favela: se taire. Tu crois que quelqu'un me dénoncerait? Il n'y a pas de rats ici, mon frère. La presse italienne est devenue folle. La police de Rio a même mené une opération pour me 'sauver'. Ils ont dit que j'avais été kidnappé. (...) Que je le veuille ou non, j'avais besoin de liberté. Je n'en pouvais plus de devoir toujours garder un œil sur les caméras lorsque je sortais en Italie. (...) Quand je suis ici, personne de l'extérieur ne sait ce que je fais. Ils ne comprenaient pas pourquoi j'allais dans la favela. Ce n'était pas pour l'alcool, ni pour les femmes, encore moins pour la drogue. C'était pour la liberté. C'était parce que je voulais la paix. Je voulais vivre. Je voulais redevenir humain. Juste un peu. C'est la putain de vérité."