Après sa blessure, Kévin Mayer face au défi d'un retour quasi inespéré pour les Jeux de Paris
L'avant-première d'un documentaire retraçant sa quête de la qualification olympique pour Paris (*) vient de se terminer. Les lumières d'une salle de cinéma du 6e arrondissement de Paris se rallument laissant apparaître quelques larmes au bord des yeux du principal concerné. Des larmes qui n'ont pas quitté le visage de Kévin Mayer entre dimanche et lundi. Depuis, il s'est ressaisi. "Il reste trois semaines" balance-t-il fatalement "je ne vais pas vous cacher qu'au vu de la gravité de la blessure, ça va être très très difficile... Mais j'essaie d'avoir les meilleures ondes. Je sais que quand on est positif ça cicatrise plus vite." Pour s'entourer, l'athlète de 32 ans peut toujours compter sur sa compagne et kiné Delphine et son frère, Thomas "Je le trouve très résilient et motivé dans ce challenge quasi impossible", reconnait son aîné.
Alexandre Bonacorsi fait lui aussi partie de ses principaux soutiens. "On est le miroir l'un de l'autre", affirme son entraîneur. "Il a eu un coup de bad le lundi et moi aussi. On s'est remis en avant maintenant avec des objectifs au jour le jour" dans le but d'effacer ce qu'il qualifie d'un gros coup de massue. "Je ne sais pas si j'ai le recul nécessaire mais j'aurais tendance à dire que c'est le plus gros coup dur qu'il ait eu à subir de toute sa carrière. Maintenant, on va tout faire pour se relever et écrire de nouvelles belles histoires."
"Je passe ma vie dans un caisson hyperbare"
Et pour se relever le plus rapidement possible et soigner cette lésion à l'ischio-jambier dont le clan Mayer préfère taire la profondeur et la gravité, un protocole d'urgence s'est mis en place. "Je passe ma vie dans un caisson hyperbare et quand je n'y suis pas, je suis branché à une machine d'électrostimulation jour et nuit avec des petits exercices de plus en plus intenses", explique le natif d'Argenteuil. Des séances en caisson faites en hôpital, à Paris, à raison de deux fois deux heures par jour. Une technique déjà utilisée par le décathlonien en 2021 et qui avait fait ses preuves.
"Le principe du caisson hyperbare est de pousser l'oxygène sous pression dans les tissus du corps", explique le Dr Denis Alema, chiropracteur et diplômé en neurologie chiropratique. "Pour une blessure comme une lésion, les tissus peuvent être mal oxygénés, provoquant une hypoxie. La pression dans le caisson va aider à réparer les tissus endommagés et diminuer naturellement les inflammations. Elle peut aussi aider à développer de nouveaux vaisseaux sanguins autour de l'endroit lésé." Une pratique très utilisée par les sportifs "pour des blessures musculaires comme des commotions, des AVC ou des suites opératoires mais aussi pour la réduction de la fatigue musculaire", précise le docteur Denis Alemi. "Neymar, Ronaldo, Michael Phelps ont ou utilisent encore ces caissons. Djokovic apporte même le sien à Roland-Garros." Kévin Mayer a lui surtout l'impression d'être dans un sous-marin "mais dans un hôpital. On remplit l'espace d'air pour qu'il y ait autant de pression qui si on était à quinze mètres sous l'eau." Loin d'être un très bon moment. "Le masque que l'on met pour recevoir de l'oxygène pur, ce n'est vraiment pas très agréable. On n'a pas le droit aux écrans non plus. En 2021, je n'avais même pas eu le droit d'apporter un livre."
Alors pendant ces quelques heures, le double champion du monde du décathlon (2017,2022) pense aux bons et mauvais moments, en tentant de ne pas trop cogiter avant d'en sortir un peu groggy et endormi tout en ressentant les bienfaits de la séance. "Il y resterait dix heures par jour s'il le pouvait", avoue son frère et pilier.
Un infime espoir
Autant de travail de récupération express afin de vivre ce qu'il n'avait même pas imaginer. "Je bosse comme un taré, je suis crevé mais je suis redevenu celui qui va au charbon pour réaliser son rêve. Ce n'est même pas un rêve de gamin car je n'aurais jamais pensé avoir les Jeux à la maison. Je me suis donné l'opportunité d'y aller en me qualifiant et je me pète juste avant... Mais si ç'a pété là, ça aurait pété aux Jeux c'est certain." Alors maintenant, Kévin Mayer veut tout donner afin d'éviter le moindre regret. Il ne se rendra pas à la cérémonie d'ouverture pour ne pas perdre une minute de récupération.
"Je me sens fort et déterminé à y arriver tout en sachant qu'il n'y a aucune chance, c'est trop bizarre comme émotion." Comme pour ce qui est de communiquer le degré de gravité de sa blessure, il préfère ne pas tabler sur une date limite pour un potentiel forfait. "Jusqu'à une minute avant mon 100m je ferai ce qu'il faut pour pouvoir le faire et ensuite la longueur et ensuite... j'irai jusqu'où je pourrai aller." S'il doit baisser les armes avant, alors c'est que son entourage et le corps médical l'aura décidé, que les risques d'aggraver la situation seront trop élevés "car je ne veux pas arrêter après 2024" reconnait celui qui visait la médaille à Paris. "Chaque jour j'emploie chaque minute pour aller mieux le lendemain. On n'aurait jamais pensé qu'on pouvait poser le pied sur la lune" finit-il par philosopher.
(*) "Kévin Mayer, sous haute tension" de Benjamin Montel sera diffusé le 16 juillet à 22h50 sur France 2