Soupçonné de trafic d'antiquités, l'ancien patron du Louvre placé en garde à vue

Des touristes font la queue devant la pyramide du Louvre le 29 avril 2022. Image d'illustration - - © 2019 AFP
Des touristes font la queue devant la pyramide du Louvre le 29 avril 2022. Image d'illustration - - © 2019 AFP

L'ex-patron du Louvre entendu dans une vaste affaire de trafic d'antiquités. Jean-Luc Martinez, ainsi que deux autres égyptologues, ont été placés en garde à vue lundi par les policiers de l'Office central de lutte contre le trafic de bien culturels (OCBC), révèle ce mercredi Le Canard enchaîné. Ils sont soupçonnés d'avoir pris part à un trafic d'œuvres, parmi lesquelles se trouve une stèle de Toutankhamon.

L'objet, marqué du sceau du célèbre pharaon, a été acquis par le Louvre d'Abu Dhabi, antenne émiratie du musée français en 2016, pour 8 millions d'euros. C'est en partie grâce au témoignage de Marc Gabolde, un spécialiste de Toutankhamon, enseignant à l'Université de Montpellier, que les enquêteurs se penchent sur l'origine douteuse de la stèle, qui a peut-être été volée en Égypte, précisent nos confrères.

"Éclairer l'origine de la stèle"

Après avoir s'être renseigné sur l'œuvre en question, Marc Gabolde remarque un détail troublant. "Dans les indications d’origine que je possédais, il y avait un officier de la marine de commerce allemande de Brême qui aurait acheté la pièce à un antiquaire égyptien, Habib Tawdros, dans les années 1930", explique-t-il, contacté ce mercredi par BFMTV.com.

Le nom d'Habib Tawdros lui est familier, et pour cause: il apparaît aussi dans l'affaire du sarcophage doré du prêtre Nedjemankh, acquis en 2017 par le Metropolitan Museum of Art de New York. L'objet s'était révélé être une antiquité volée au Caire en 2011.

"J’ai trouvé que c’était une information importante, susceptible d'éclairer l'origine de la stèle d'Abu Dhabi", poursuit-il.

Le rôle de l'ex-patron du Louvre en question

Ni une, ni deux, il prévient, en 2019, les responsables du Louvre, ainsi que l'agence France Muséums, qui encadre les achats des Émirats arabes unis. Selon les informations du Canard enchaîné, son signalement est resté lettre morte. De quoi attiser la curiosité des enquêteurs de l'OCBC.

Quel rôle a alors joué Jean-Luc Martinez? Dans son article, Le Canard enchaîné pointe du doigt le fait que l'expertise de l'ex-patron du Louvre aurait dû lui permettre d'identifier un éventuel problème concernant la stèle, avant son acquisition. Cependant, s'il a été entendu durant sa garde à vue, il n'a pour l'heure pas été mis en examen.

"Dans cette affaire les conservateurs et les égyptologues ne sont pas les complices des trafiquants, mais leurs victimes au même titre que les pays d’origine des œuvres d’art et les acquéreurs", martèle de son côté Marc Gabolde auprès de BFMTV.com. "Il est très important de ne pas se tromper de coupable."

Six mises en examen

Dans cette vaste affaire de trafic d'antiquités, plusieurs personnes ont déjà été mises en examen après un coup de filet de l'OCBC. En juin 2020, l'expert en archéologie méditerranéenne Christophe Kunicki et le marchand d'art Richard Semper ont été mis en examen des chefs d'"escroqueries en bande organisée", "association de malfaiteurs", "blanchiment en bande organisée" et "faux et usage de faux".

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En mars dernier, un marchand allemand, un collectionneur et un galeriste français, et la maison de vente Pierre Bergé ont également été mis en examen. Ils sont soupçonnés d'avoir blanchi des objets archéologiques pillés dans des pays déstabilisés par les mouvements contestataires du début des années 2010, après la poussée des Printemps arabes.

Ce sont ces mêmes œuvres qui ont été vendues au Louvre d'Abu Dhabi ou au Met à New York.

Article original publié sur BFMTV.com