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Soldats Français tués au Mali : la France est-elle seule au Sahel ?

Les forces armées françaises sont présentes au Mali depuis 2013. Mais elles semblent bien seules dans la région.
Les forces armées françaises sont présentes au Mali depuis 2013. Mais elles semblent bien seules dans la région.

Treize militaires de l’opération Barkhane ont perdu la vie au Mali, ce 25 novembre. La France est le seul pays pleinement engagé au Sahel depuis 2013, au côté des armées de la région.

Treize militaires français engagés au Mali sont morts, dans la soirée du lundi 25 novembre, selon une annonce de l’Élysée. Une collision accidentelle entre deux hélicoptères est à l’origine du drame, qui porte à 38 le nombre de soldats tués dans le pays depuis le début de l’intervention française, en 2013.

À l’origine, il s’agissait d’une “opération épidermique, déclenchée très brutalement et limitée à une petite zone pour sauver Bamako d’une menace”, décrit Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Elle s’appelait à l’époque Serval et avait été décidée alors que François Hollande était à l’Élysée. “Elle s’est ensuite élargie à tout le Mali”, complète le spécialiste, et, plus largement, à la région du Sahel.

L’opération Serval, couplée avec l’opération Épervier - menée au Tchad - ont été remplacées par Barkhane, en août 2014. Mais hormis les armées des pays concernés, les forces françaises sont bien seules dans la région. Alors que la zone “est grande comme l’Union Européenne, faite de montagnes désertiques”, les soldats français sont 4500, nous précise Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences Po.

Une aide matérielle

Au lancement de l’opération Serval, alors que Bamako redoutait une attaque imminente, la France était le seul pays en capacité d’intervenir si rapidement, rappelle l’auteur de “Mon dictionnaire géopolitique”.

Depuis, les Britanniques, les Lituaniens, les Américains et les Allemands ont quelque peu prêté main forte, notamment via une aide matérielle. Mais, en dehors des armées des pays du Sahel, “les Français sont toujours les seuls au front” martèle le docteur en géopolitique.

“Il y a beaucoup de déclarations, mais rien n’est vraiment concrétisé”, précise de son côté Jean-Vincent Brisset. “On veut faire une armée européenne, mais c’est impossible tant qu’il n’y a pas de politique de défense européenne : il n’y a pas de culture commune, le matériel est différent, tout comme les chaînes de commandement… L’Europe n’aide pas vraiment”, conclut-il.

Pourtant, de son côté, la ministre des armées Florence Parly l’assure : “la France n’est pas seule au Sahel”.

Le Sahel, une zone très pauvre

Mais pourquoi les autres pays européens ne sont-ils pas plus investis dans cette lutte contre les djihadistes ? Déjà, parce que la France est le seul pays à avoir des capacités matérielles sur place. Mais aussi parce que “le Sahel fait partie des régions les plus pauvres du monde, il n’y a donc pas d’enjeux fondamentaux qui feraient que les pays occidentaux s’y intéressent”, ajoute Frédéric Encel.

À l’inverse, la France considère qu’elle a “un devoir historique” envers cette zone du monde, où elle compte d’ailleurs des ressortissants, nous explique le docteur en géopolitique. Les dirigeants de l’Hexagone souffriraient aussi du “syndrome Rwandais”, estime-t-il : “la situation n’est pas du tout de même nature, mais le pays craint de se voir reprocher d’être resté passif alors qu’il aurait pu agir”, décrypte le maître de conférence, “ça a sans doute fait partie des variables de la prise de décision”.

Un retrait aux conséquences lourdes

Le retrait des troupes françaises pourrait avoir des conséquences “catastrophiques”, estime Frédéric Encel, il y a un “risque extrêmement élevé” que les capitales “tombent aux mains des djihadistes”. Jean-Vincent Brisset pointe aussi du doigt les menaces pour les populations locales. “Si les Français se retirent, les djihadistes prendront le pouvoir sur la bande sahélienne, ce qui enverra une vague de réfugiés sur les routes, avec le risque que des djihadistes se cachent parmi eux”, détaille le directeur de recherche à l’Iris.

Si l’armée française permet d’éviter une telle situation, elle ne peut tout de même pas résoudre tous les problèmes du Sahel. “Il y a des difficultés sociales et identitaires” énumère Frédéric Encel. “La question militaire n’est pas le coeur du problème, mais les politiques français veulent tout de même régler ça avec leur armée”, constate lui aussi Jean-Vincent Brisset.

Selon Le Monde, les accords européens au sujet du Sahel commenceraient à se concrétiser et une coalition serait en train de prendre forme.

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