SocGen, BNP et Deutsche Bank face à une question à 11 milliards d'euros

par Francesco Canepa

FRANCFORT (Reuters) - Les trois plus grandes banques d'investissement de la zone euro, dont Société générale et BNP Paribas, pourraient devoir répondre à une question à 11 milliards d'euros de la part des autorités de supervision.

Ce montant correspond à la somme totale que les deux établissements français et Deutsche Bank devraient lever si la Banque centrale européenne décidait d'appliquer un nouveau seuil d'exigence en termes de fonds propres, plus élevé, évoqué à la suite des tests de résistance effectués sur le secteur bancaire européen.

Dix ans après la crise financière, les autorités cherchent toujours à renforcer la solidité des banques pour éviter qu'elles ne propagent dans l'économie réelle des maux apparus sur les marchés financiers.

Après la publication des résultats des stress tests le 2 novembre, Luis de Guindos, vice-président de la BCE, a jugé que ce travail de renforcement n'était toujours pas terminé. Les 12 banques de la zone euro affichant un ratio de fonds propres inférieur à 9% en cas de scénario extrême étudié dans les tests "devraient accroître leur solidité et renforcer leurs positions (...) et seront en conséquence surveillées attentivement", a-t-il dit.

Sur cette base, Société générale, Deutsche Bank et BNP Paribas présentent les manques les plus importants de fonds propres, respectivement 5,4 milliards, 3,4 milliards et 2,5 milliards d'euros, montrent des calculs de Reuters.

SOCGEN ET BNP PEU HABITUÉES À UNE TELLE ATTENTION

C'est plus que le déficit combiné de fonds propres des neuf autres établissements ayant un ratio inférieur à 9%, parmi lesquels figurent aussi La Banque Postale ou encore les espagnoles Sabadell et BBVA ou l'italienne UBI Banca.

Alors que l'économie de la zone euro montre des signes de ralentissement, que les marchés financiers sont en proie à des turbulences et que les valorisations boursières des banques sont déjà faibles, les déclarations de Luis de Guindos n'ont pas échappé aux analystes.

"Je pense que les responsables de la supervision sont prêts à faire évoluer leur regard (...) et le risque de marché est un candidat évident", dit Marco Troiano, directeur de l'agence de notation Scope.

"Cela pourrait faire grimper la pression sur les banques qui détiennent de vastes portefeuilles de titres, surtout si ceux-ci ne sont pas comptabilisés à leur pleine valeur de marché."

Une surveillance accrue de la part des investisseurs n'aurait rien de nouveau pour Deutsche Bank, dont l'action est au plus bas après trois pertes annuelles consécutives. Pour BNP Paribas et Société générale, une telle attention constituerait en revanche un changement.

Les deux banques françaises, qui disposent d'importantes activités de banque d'investissement, affichent de meilleures performances en Bourse que le reste du secteur bancaire européen depuis le déclenchement de la crise financière.

LE MOMENT MAL CHOISI?

D'envergure internationale, elles ont aussi été globalement épargnées par les pressions de la BCE pour contraindre les banques à se débarrasser de leurs créances douteuses, qui ont surtout frappé les établissements tournés vers leurs marchés intérieurs dans les pays les plus fragiles comme l'Italie, le Portugal, la Grèce ou Chypre.

Les choses sont toutefois en train de changer.

Cette année, pour la première fois, l'Autorité bancaire européenne (ABE) a inclus dans ses tests des contrats de dérivés complexes connus dans le jargon financier en tant qu'actifs de niveaux 2 et 3. La prise en compte de ces actifs a eu un impact global de 21 milliards d'euros sur les bilans des banques dans l'Union européenne.

La BCE a aussi décrété que ces actifs, qui relèvent du domaine quasi exclusif des grandes banques d'investissement, seraient l'une de ses priorités cette année.

"C'est une bonne chose en ce qui concerne les banques qui ont des portefeuilles complexes et beaucoup d'actifs de niveau 3", juge Alberto Gallo, gérant de portefeuille chez Algebris Investments.

"Le moment est toutefois mal choisi, à ce stade du cycle économique."

Le seuil de 9% évoqué par Luis de Guindos n'a rien d'officiel. Les exigences de fonds propres sont définies pour chaque banque par une autre branche de la BCE, le Mécanisme de surveillance unique (MSU).

Les tests de l'ABE ne tiennent en outre pas compte des mesures que pourraient prendre les banques pour préserver leur bilan, comme des cessions d'actifs ou des mises à contribution des actionnaires, ce qui rend leurs éventuels manques de fonds propres purement théoriques.

"Tant que les banques mentionnées n'auront pas renforcé leur situation en termes de fonds propres, elles resteront sous pression", prédisent cependant les analystes de Natixis au sujet des 12 banques évoquées par Luis de Guindos.

(Bertrand Boucey pour le service français, édité par Catherine Mallebay-Vacqueur)