Skripal: Les deux suspects russes nient toute implication

par Andrew Osborn

MOSCOU (Reuters) - Deux hommes sont apparus jeudi à la télévision d'Etat russe pour démentir toute implication dans l'empoisonnement de l'ancien agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille en mars dans le sud de l'Angleterre, expliquant s'être rendus en touristes à Londres puis à Salisbury pour visiter "sa célèbre cathédrale".

La justice britannique a inculpé la semaine dernière deux Russes qu'elle accuse d'être des agents du GRU, le service de renseignement militaire russe, agissant sous les noms d'emprunt d'Alexandre Petrov et Rouslan Bochirov.

Deux hommes ressemblant aux suspects, filmés par une caméra de surveillance à Salisbury, ont accordé une interview à la chaîne publique Russia Today (RT) pour nier toute participation à la tentative d'assassinat de Sergueï Skripal, à l'origine d'une grave crise diplomatique entre Moscou et les pays occidentaux.

Les deux hommes, qui démentent dans l'interview être des agents du GRU, se présentent comme des hommes d'affaires qui voulaient "se payer un peu de bon temps" en Angleterre. Ils ont expliqué qu'ils n'étaient restés qu'une heure à Salisbury en raison du mauvais temps et parce que leurs vêtements étaient trempés.

"Nos amis nous avaient suggéré depuis longtemps de visiter cette ville merveilleuse", a dit Rouslan Bochirov à propos de la localité du sud de l'Angleterre.

"Cette cathédrale est célèbre non seulement en Europe mais dans le monde entier, notamment pour sa flèche de 123 mètres et son horloge, la plus ancienne au monde qui fonctionne encore", a-t-il expliqué.

Ils admettent qu'il est possible qu'ils se soient approchés "sans le savoir" de la maison de Sergueï Skripal.

Ils voient comme une "coïncidence fantastique" le fait qu'ils aient été à Salisbury ce jour-là et estiment qu'ils devraient recevoir des excuses si les véritables responsables de cet empoisonnement sont un jour connus.

Aucune question ne leur a été posée sur les traces de Novitchok, l'agent toxique utilisé contre les Skripal, que la police britannique dit avoir détectées dans leur chambre d'hôtel à Londres.

LONDRES S'EN TIENT À SA THÈSE

Le porte-parole de la Première ministre britannique Theresa May a estimé que les explications des deux hommes étaient "une insulte à l'intelligence du public" et qu'elles étaient "gravement offensantes pour les victimes".

Pour Londres, il est clair que les deux hommes sont des agents du GRU. "Le gouvernement est très clair: ces hommes sont des officiers du service de renseignement militaire russe - le GRU - qui ont utilisé dans les rues de notre pays une arme chimique illégale et terriblement toxique", a dit une autre porte-parole du gouvernement britannique.

"Nous n'avons cessé de demander à la Russie de dire ce qui s'était passé en mars à Salisbury. Aujourd'hui, comme nous l'avons vu tout à l'heure, on nous répond par de l'enfumage et des mensonges", a-t-elle ajouté.

Le député de Salisbury John Glen a également jugé que les déclarations des deux hommes n'étaient pas crédibles et ne concordaient pas avec les renseignements recueillis par les autorités britanniques.

Mercredi, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que les deux hommes mis en cause par Londres avaient été identifiés et que "rien de criminel" les concernant n'avait été relevé. Il avait souhaité qu'ils s'expriment publiquement.

Selon le chef de l'antiterrorisme britannique Neil Basu, les deux suspects arrivés en Grande-Bretagne le 2 mars à bord d'un vol Aeroflot en provenance de Moscou et en sont repartis le 4 mars, quelques heures après la découverte de Sergueï et Ioulia Skripal, inconscients, sur un banc public de Salisbury.

L'affaire Skripal a gravement envenimé des relations déjà tendues entre Londres et Moscou et conduit à l'expulsion massive et réciproque de diplomates occidentaux et russes au printemps dernier.

Les Skripal ont survécu mais, en juillet, une Britannique, Dawn Sturgess, est morte après avoir trouvé à Amesbury, près de Salisbury un petit flacon de parfum Nina Ricci qui, en fait, contenait du Novitchok, l'agent toxique déjà utilisé contre l'ancien agent double et sa fille.

Le compagnon de Dawn Sturgess, Charlie Rowley, est lui aussi tombé malade. Pour les enquêteurs britanniques, il ne fait aucun doute que les deux incidents sont liés.

(Avec Andrey Ostroukh, Tom Balmforth, Christian Lowe et Kylie MacLellan; Tangi Salaün et Guy Kerivel pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)