Sibeth Ndiaye, reine des gaffes ou reine de la communication ?

Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a prononcé une phrase qui passe mal au sujet de la grève de la RATP. Et elle n'en est pas à son premier couac. Stratégie de communication ou réelle maladresse ?
Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a prononcé une phrase qui passe mal au sujet de la grève de la RATP. Et elle n'en est pas à son premier couac. Stratégie de communication ou réelle maladresse ?

La porte-parole du gouvernement est connue pour son franc-parler et ses phrases parfois choquantes, comme sur la grève de la RATP dernièrement. Derrière ses frasques, une stratégie bien huilée ?

Sibeth Ndiaye a encore fait des siennes. La porte-parole du gouvernement s’est fait remarquer, jeudi 12 septembre, à la veille d’un mouvement de grève de la RATP de grande ampleur attendu à Paris. “Demain matin, j’utiliserai ma voiture de fonction, comme tous les jours, donc je serai de cœur avec tous les Franciliens qui galèreront dans les couloirs du métro”, a-t-elle expliqué sur BFMTV. Une petite phrase qui n’est sans surprise pas passé inaperçue.

Mais ce n’est pas la première fois que la prose de Sibeth Ndiaye fait couler beaucoup d’encre. Avant même d’être porte-parole du gouvernement, cette proche de la première heure d’Emmanuel Macron a multiplié les impairs. Lors de la campagne présidentielle du candidat En Marche, elle entretenait des relations difficiles avec la presse. Dans le documentaire “Emmanuel Macron, les coulisses d’une victoire”, on l’entend s’en prendre à un journaliste des Inrockuptibles. “Franchement, je suis saoulée. (...) C’est du travail de sagouin”, estime-t-elle alors face à la caméra.

Rattrapée par ses propos

Un vocabulaire fleuri qu’elle n’a pas quitté quand Emmanuel Macron a été élu et qu’elle est entrée, avec lui, à l’Elysée en tant que conseillère presse. En juin 2017, des propos choquants lui ont été prêtés notamment par le Canard enchaîné. À un journaliste lui demandant de confirmer la mort de Simone Veil, elle aurait répondu par SMS “la meuf est dead”. Accusation qu’elle a toujours réfutée. Selon un journaliste du Point, elle aurait en fait écrit “la meuf est morte”. Nuance.

Adepte des petites phrases plus ou moins bien senties, c’était déjà Sibeth Ndiaye qui avait publié sur Twitter, en juin 2018, la vidéo d’Emmanuel Macron au sujet du “pognon de dingue” dépensé dans les aides sociales. Des propos que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait à l’époque qualifiés de “conversation privée”, laissant penser à une fuite.

Lorsqu’elle a été nommée porte-parole du gouvernement, en mars 2019, Sibeth Ndiaye s’est vue reprocher ses anciennes frasques de vocabulaire. À commencer par une phrase datant de juillet 2017 : “j’assume parfaitement de mentir pour protéger le président”. Des mots “sortis de leur contexte”, s’est rapidement défendue celle qui a succédé à Benjamin Griveaux.

Homard, kebabs et voiture de fonction

Depuis qu’elle occupe ses nouvelles fonctions, la jeune femme ne s’est pas départie de sa façon de parler. En moins de six mois à son poste, elle a déjà multiplié les phrases choc. “Nous sommes tous conscients que tout le monde ne mange pas du homard tous les jours. Bien souvent on mange plutôt des kebabs”, a-t-elle commenté après les révélations de Mediapart sur les dîners fastueux de François de Rugy.

“Demain matin, j’utiliserai ma voiture de fonction, comme tous les jours, donc je serai de cœur avec tous les Franciliens qui galèreront dans les couloirs du métro”, a également affirmé Sibeth Ndiaye sur BFMTV, ce jeudi 12 septembre, au sujet de la grève de grande ampleur de la RATP à Paris.

Une stratégie de communication ?

À ce stade, peut-on encore parler de “boulettes” ? “C’est trop régulier et trop énorme, on a du mal à croire que ce sont simplement des ‘couacs’, ça parait trop excessif”, estime Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po et président de MCBG Conseil.

D’autant que Sibeth Ndiaye est loin d’être une novice en politique. Dès 2013, elle a été conseillère presse au cabinet d’Arnaud Montebourg. Elle a ensuite exercé ce même rôle auprès d’Emmanuel Macron lorsqu’il était encore ministre, avant de gérer la communication à l’Elysée. “Elle sait comment ça marche, ce n’est pas une débutante, elle a une vraie légitimité à être là où elle en est aujourd’hui”, nous précise le spécialiste.

Une stratégie “à la Donald Trump” ?

Mais alors, pourquoi ces extravagances ? Cette stratégie de communication pourrait servir à “attirer l’attention du public sur ce qu’elle dit et ainsi la détourner des affaires embêtantes pour le gouvernement”, analyse Philippe Moreau-Chevrolet. En l'occurrence, Sibeth Ndiaye a prononcé la phrase sur la voiture de fonction le jour où le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été mis en examen.

“Ça peut aussi être une stratégie plus personnelle, pour attirer l’attention sur elle (...) un peu à la Donald Trump”, nous précise également le professeur en communication politique. Le problème, c’est qu’elle n’a pas le pouvoir du président américain. Et qu’elle n’est suivie ni par Emmanuel Macron, ni par Edouard Philippe. “Si c’est une stratégie, elle individuelle et expérimentale”, estime le spécialiste. Il ajoute : “pour l’instant, ça fonctionne, car ça fait de l’audience. Mais le gouvernement risque de s’en lasser. Et, à long terme, ces dérapages pourraient décrédibiliser à la fois Sibeth Ndiaye et La République En Marche”. Reste que le “franc-parler et l’authenticité” de la porte-parole du gouvernement sont tout de même appréciés par une partie de la population.

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