Sous le seuil de pauvreté, deux millions de personnes âgées vivent en France, surtout des personnes seules

La pauvreté touchait 10,6 % des 65-74 ans en 2022 contre 7,5 % en 2017, selon l’Insee.
Westend61 / Getty Images/Westend61 La pauvreté touchait 10,6 % des 65-74 ans en 2022 contre 7,5 % en 2017, selon l’Insee.

SOLIDARITÉ - Deux millions de personnes vivent le troisième âge sous le seuil de pauvreté, particulièrement les femmes et les personnes seules qui se retrouvent ainsi encore plus isolées, alerte le rapport annuel de l’association Les Petits frères des pauvres, publié ce lundi 30 septembre.

La pauvreté s’aggrave en France, en particulier dans les zones rurales selon le baromètre du Secours populaire

Ce chiffre correspond aux personnes de 60 ans et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. Cette barrière est un niveau relatif fixé à 60 % du niveau de vie médian (soit 1 216 euros par mois pour une personne seule, 1 824 euros pour un couple), selon l’association.

Et selon les chiffres de l’Insee, sur lesquels s’appuie le rapport, la pauvreté s’intensifie en France : elle touche 10,6 % des 65-74 ans en 2022 contre 7,5% en 2017. Les seniors sont toutefois moins touchés que la population générale : neuf millions de personnes en France vivent sous le seuil de pauvreté, soit 14,4 % de la population.

Vivre à deux protège de la pauvreté qui concerne 18,8 % des personnes âgées seules, contre 6,4 % de celles vivant en couple, selon l’Insee.

Les femmes seules en première ligne

Les femmes, qui vivent plus longtemps que les hommes, donc dans la solitude, sont plus exposées. En outre, le moindre travail des femmes parmi les générations plus âgées, des carrières hachées pour suivre leur mari en mutation professionnelle, des temps partiels pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs proches, ont eu pour conséquences des pensions de retraite plus faibles. À cela s’ajoutent divorces et séparations qui réduisent leur niveau de vie.

Selon des entretiens réalisés en 2024 auprès de douze personnes concernées par Les Petits Frères des Pauvres, 31 % ont fait face à des difficultés pour payer les factures du quotidien. Parmi elles, Raymonde 81 ans, qui vit actuellement avec 1 100 euros de pension mensuelle. « Je me suis arrêtée de travailler pour élever mes deux enfants. Après 23 ans de travail, j’ai pris ma retraite à 47 ans, c’était possible comme fonctionnaire », explique-t-elle à l’AFP. Mais son compagnon l’a ensuite quittée, la laissant sans « assez pour vivre » alors que son fils, étudiant, était à sa charge.

Une vie sans extras ni loisirs

Si vivre seul expose à la pauvreté, celle-ci renforce l’isolement. Quatre personnes sur dix se sont privées d’aller au restaurant, de partir en vacances ou ont limité leurs déplacements au cours des 12 derniers mois. 26 % disent avoir renoncé à inviter leurs proches. « C’est très difficile de recevoir chez moi, ou à Noël d’offrir des cadeaux à mes proches », explique Martine Bourgery, 73 ans, qui touche une retraite de 1 100 euros. « J’étais éducatrice, on était très mal payés. Et je ne travaillais pas le mercredi pour élever mes deux enfants. Ma retraite en a pâti, dit cette femme qui a perdu son mari dans un accident. Quand on m’invitait à dîner, je déclinais, parce que je ne pouvais pas arriver avec des fleurs. Lorsque mes amis allaient au cinéma, je disais ne pas avoir envie de voir le film, parce que je ne pouvais pas payer et ne voulais pas qu’ils paient pour moi. »

Un projet de « solidarité à la source »

Même si leur quotidien est fait de calculs et de privations, les personnes interrogées par l’enquête ne se définissent pas comme « pauvres », un mot qui pour elles correspond à des situations plus graves que la leur. Pourtant, plus d’une personne sur deux ne bénéficie d’aucune aide et s’estime mal informée. Les trois quarts sont aussi mal à l’aise avec les démarches administratives en ligne.

Le projet de solidarité à la source que prépare l’administration devrait réduire le taux de non-recours aux aides sociales, en les attribuant directement en fonction des revenus enregistrés par l’administration. L’association demande également de relever le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. Cette prestation non contributive - c’est-à-dire sans être liée à une cotisation antérieure - qui permet aux personnes âgées d’accéder à un seuil minimal de ressources, est de 1 012 euros. Une mesure qui coûterait 2 milliards d’euros par an aux finances publiques, selon Yves Lasnier, le délégué général des Petits Frères des pauvres.

Les difficultés d’accès des plus jeunes générations à la propriété, l’essor du statut d’auto-entrepreneur sont des facteurs de risque de précarité au grand âge. L’association demande ainsi de prévenir la pauvreté future en mettant en place un rendez-vous aux assurés dont les estimations de retraite seraient inférieures au seuil de pauvreté.

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