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Sarkozy continue de clamer son innocence dans le dossier libyen

Nicolas Sarkozy a dénoncé mercredi une "manipulation" face aux juges qui l'ont mis en examen dans l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, selon des déclarations publiées jeudi par Le Figaro sur son site. /Photo prise le 21 mars 2018/REUTERS/Benoit Tessier

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Mis en examen pour des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a de nouveau clamé jeudi soir son innocence et juré de "pourfendre" ses accusateurs, qu'il a qualifié d'"escrocs" et d'"assassins".

L'ancien chef de l'Etat a assuré sur TF1 qu'"aucun élément nouveau" n'avait été apporté par les enquêteurs qui l'ont interrogé pendant deux jours de garde à vue à Nanterre et par les juges d'instruction chargés du dossier.

"Il n'y a pas une preuve matérielle, il n'y a que la haine, la boue, la médiocrité, la malveillance et la calomnie", a-t-il dit en visant la "bande Kadhafi". "Je pourfendrai cette bande, je ferai triompher mon honneur et je n'ai pas l'intention de céder un centimètre de terrain à cette bande."

Il avait entamé sa contre-attaque médiatique au petit matin en laissant Le Figaro publier sur son site internet ce que le journal a présenté comme le verbatim de ses déclarations aux juges, devant lesquels il a dénoncé une "manipulation".

L'ancien "hyper-président", à l'éclat terni par une succession de déboires électoraux et judiciaires depuis 10 ans, a été mis en examen mercredi soir pour financement illicite de campagne électorale, corruption passive et recel de détournement de fonds publics libyens. Des infractions passibles de dix ans de détention.

Déjà en examen dans deux autres affaires en cours, il a en outre été placé sous contrôle judiciaire.

Nicolas Sarkozy ne peut ainsi aller en Egypte, en Tunisie, en Libye et en Afrique du Sud, dit-on dans son entourage.

Selon la même source, il ne peut pas non plus entrer en contact avec plusieurs personnes dont ses anciens collaborateurs et ministres Claude Guéant et Brice Hortefeux, l'ex-chef du renseignement intérieur Bernard Squarcini, l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine et l'homme d'affaires franco-algérien Alexandre Djouhri, détenu en Grande-Bretagne.

Brice Hortefeux, a aussi été entendu par les agents de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) mardi à Nanterre et Claude Guéant est mis en examen dans la même affaire.

"CALOMNIE"

Si Claude Guéant "a des faits qui lui sont reprochés (...) il s'en expliquera", a déclaré Nicolas Sarkozy. Quant à Brice Hortefeux, soupçonné d'avoir joué les intermédiaires, "s'il a eu des rapports avec tel ou tel, il s'en expliquera."

"Je lui fais confiance", a ajouté l'ancien président. "Mais je ne peux pas être moi-même accusé au titre des liens que j'ai avec tel ou tel et de ce qu'aurait pu, ou pas, faire tel ou tel : il faut des preuves."

L'ancien président a continué à nier toute malversation, tant pendant sa garde à vue que devant les juges et à TF1.

Il a dénoncé les "mensonges" de Ziad Takieddine, un de ses principaux accusateurs, qu'il accuse d'avoir "pillé l'Etat libyen", et un "faux" publié selon lui par Mediapart.

Il a fait aussi valoir que les déclarations de Mouammar Kadhafi, "de sa famille et de sa bande" évoquant un financement de sa campagne de 2007 avaient commencé le 11 mars 2011, après qu'il a reçu à l'Elysée les opposants au dirigeant libyen, au renversement duquel il a fortement contribué en prenant la tête d'une coalition internationale contre son régime.

D'anciens dignitaires du régime Kadhafi ont évoqué le versement d'argent à Nicolas Sarkozy, comme l'ex-patron du renseignement militaire libyen Abdallah Senoussi ou un proche collaborateur de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh.

Selon le site d'information Mediapart, un carnet de l'ancien ministre libyen du pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé mort dans le Danube le 29 avril 2012, à Vienne, mentionne des versements destinés à sa campagne présidentielle de 2007.

SARKOZY VOULAIT LE STATUT DE TEMOIN ASSISTE

"Depuis le 11 mars 2011, je vis l'enfer de cette calomnie", a déclaré Nicolas Sarkozy aux juges, selon le verbatim publié par Le Figaro. Il a notamment estimé que "la polémique lancée par Kadhafi et ses sbires" et le site d'information Mediapart lui avait valu de perdre l'élection présidentielle de 2012.

"Si, comme je ne cesse de le proclamer (...) c'est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande ou de ses affidés, dont Takieddine fait à l'évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer (...) la violence de l'injustice qui me serait faite", a-t-il ajouté.

"Je vous demande de retenir (...) un autre statut que celui de mis en examen : celui de témoin assisté", a-t-il conclu.

Les juges d'instruction, dont Serge Tournaire, qui intervient également dans d'autres investigations visant l'ancien chef de l'Etat, en ont décidé autrement.

Ce rebondissement dans la saga judiciaire de Nicolas Sarkozy, encore influent à droite, bien qu'il ait officiellement pris sa retraite politique après sa candidature avortée à la présidentielle de 2017, a mis en émoi son ancien camp.

Mais les ténors des Républicains, héritiers de son parti, l'UMP, ne se sont pas bousculées jeudi pour commenter sa mise en examen ou s'en sont tenus à des propos prudents. [nL8N1R469O]

(Avec Julie Carriat, Elizabeth Pineau, Simon Carraud et Service France, édité par Yves Clarisse)