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Santé mentale : pourquoi la prise d'antidépresseurs est-elle encore tabou ?

La semaine dernière, Amanda Seyfried s'est confiée en expliquant pourquoi elle ne prévoyait pas d'arrêter les antidépresseurs qu'elle prend actuellement afin de contrôler sa maladie mentale. L'actrice âgée de 30 ans est en effet sous Lexapro depuis qu'elle a 19 ans afin de mieux contrôler ses Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC).

La prise d'antidépresseurs est encore aujourd'hui mal vue [Photo : Getty]

« Je n'arrêterais jamais de le prendre », a-t-elle confié à Allure. « Je ne vois pas l'intérêt d'arrêter. Je ne veux pas prendre le risque, qu'il s'agisse d'un placebo ou non. Et contre quoi lutte-t-on exactement ? Simplement la honte de se servir d'un outil ? ».

Cette honte en question pousse des milliers de personnes atteintes de maladies mentales à se sentir obligées de cacher le fait qu'elles prennent des antidépresseurs. Certes, nous faisons des progrès en parlant de plus en plus ouvertement des maladies mentales mais la prise de médicaments semble rester un sujet tabou.

« Il est difficile pour certaines personnes de solliciter de l'aide lorsqu'elles découvrent qu'elles souffrent de problèmes de santé mentale, comme la dépression, et il n'est pas rare que certaines dissimulent leurs traitements », explique un porte-parole de Rethink Mental Illness. « C'est trop souvent en raison de la stigmatisation et de l'incompréhension encore associées aux maladies mentales, sans parler des peurs des conséquences sur leur vie, leur travail, leur famille et leurs amitiés ».

Il semble pourtant incroyable que la prise de médicaments afin de contrôler une maladie mentale soit encore considérée comme un secret honteux, surtout quand on sait combien de personnes se font prescrire des antidépresseurs.

Le nombre d'antidépresseurs prescrits aux patients en Angleterre a par exemple doublé en dix ans, d'après de récentes statistiques du Health and Social Care Information Centre (HSCIC), et un autre sondage révélait qu'au moins un adulte britannique sur 11 serait actuellement sous antidépresseurs.

Ça représente quand même pas mal de monde, ça. On peut alors se demander pourquoi la stigmatisation persiste alors que nous sommes si nombreux à compter sur les antidépresseurs pour contrôler notre anxiété, notre dépression et autres problèmes de santé mentale ?

« Les maladies mentales sont souvent invisibles contrairement aux autres maladies qui se manifestent physiquement, ce qui signifie malheureusement que certains ne seront pas prêts à croire qu'une personne est malade s'ils sont incapables de constater des symptômes physiques, en pensant qu'elle exagère tout simplement ses problèmes », explique Niels Eék, psychologue et cofondateur de l'appli de développement personnel et de bien-être mental Remente. « Du coup, de nombreuses personnes atteintes de dépression ou d'anxiété ne discuteront pas ouvertement de leurs problèmes et n'avoueront pas prendre de médicaments, à part en privé, entre amis ou en famille ».

Dr Eék confie qu'il existe de nombreux mythes autour de la prise de médicaments dans le cadre des problèmes de santé mentale, ce qui expliquerait pourquoi les malades préfèrent ne rien dire à propos de leurs traitements.

« Certaines personnes pensent que les médicaments ne peuvent pas aider à soulager les problèmes de santé mentale et que les gens devraient se ressaisir ou gérer leur problème et passer à autre chose », confie-t-il. « Pourtant, les médicaments comme les antidépresseurs permettent de corriger les déséquilibres chimiques et ont un impact sur les neurotransmetteurs, ce qui permet de réduire les symptômes de la maladie ».

Beaucoup de gens pensent que prendre des antidépresseurs est un signe de faiblesse ou d'incapacité à gérer ses problèmes. D'autres pensent qu'on peut devenir accro.

« On croit à tort que les antidépresseurs peuvent transformer la personnalité, vous rendre léthargique et vous empêcher de ressentir de vraies sensations », continue Dr Eék. « Cependant, le médicament vous aide à vous sentir à nouveau normal et fidèle à vous-même, sans souffrir de crises d'anxiété et de dépression ».

Les antidépresseurs représentent-ils le dernier tabou de la santé mentale ? [Photo : freestocks.org via Pexels]

Le mythe de la « pilule du bonheur »

Autre mythe populaire concernant les antidépresseurs : ils sont souvent considérés comme une sorte de pilule miracle qui sert simplement à donner un joyeux coup de fouet au patient.

« Certains pensent que les antidépresseurs sont des sortes de pilules du bonheur qui vont simplement vous mettre de bonne humeur », confie Dr Eek. « C'est faux, encore une fois, car ils rétablissent l'équilibre chimique de votre cerveau et ne vous donnent pas une sensation d'euphorie ».

La différence n'est peut-être pas évidente mais c'est un point important car ne pas saisir les complexités d'un médicament pour traiter les problèmes mentaux peut encourager le silence qui pèse autour du problème.

Cependant, certaines personnes essaient d'encourager le dialogue. L'année dernière, Erin Jones, une mère de quatre enfants de Nashville qui souffre d'anxiété et de dépression depuis 14 ans, a publié un selfie sur Facebook sur lequel elle montrait fièrement son ordonnance pour un antidépresseur.

« Des médicaments contre l'anxiété et la dépression à la rescousse », avait-elle commenté. « Parfois, les amis, nous avons simplement besoin d'aide ».

Erin a décidé de partager ce selfie afin de prouver aux autres qu'admettre avoir besoin d'aide pour gérer sa maladie n'était pas synonyme de défaite. Plus tard, Erin a créé le hashtag #MedicatedAndMighty (je prends des médicaments et je suis forte) qui a encouragé d'autres personnes atteintes de problèmes de santé mentale à partager fièrement leurs selfies avec leurs propres médicaments.

Le message est clair : prendre des médicaments pour des problèmes mentaux ne vous rend pas faible et ne vous empêche pas non plus d'être fort face à l'adversité. En effet, décider de prendre des médicaments pour soigner un problème de santé mentale fait partie des décisions les plus braves possibles. Cela prouve au moins que ces personnes sont prêtes à solliciter de l'aide, qu'elles veulent aller mieux et qu'elles pensent pouvoir aller mieux.

Ces personnes souhaitent faire disparaitre certains préjugés sur les médicaments en parlant de leurs problèmes de santé mentale aussi ouvertement, et espèrent que les personnes qui souffrent d'anxiété et de dépression se sentiront plus à même de solliciter l'aide dont elles ont besoin pour soigner leur maladie.

« On ne dit rien à ceux qui portent des lunettes pour mieux voir, ni à ceux qui prennent des médicaments pour contrôler leur tension. On devrait donc accepter et même saluer les personnes atteintes de problèmes mentaux qui prennent des mesures afin d'aller mieux et d'avoir un meilleur niveau de vie », explique Dr Eek.

Parlons des antidépresseurs [Photo : Getty]

De plus, les antidépresseurs et autres médicaments peuvent être particulièrement efficaces pour traiter les maladies mentales chez certains.

« De nombreuses personnes considèrent que les médicaments sont très efficaces pour gérer la dépression, et il peut s'agir d'un ingrédient essentiel pour soutenir la guérison de quelqu'un », explique un porte-parole de Rethink Mental Illness. « Mais il ne s'agit absolument pas de l'unique option et il est essentiel que les gens connaissent et aient accès à tout un ensemble de sources d'aide, de soutien, de conseils et de thérapies basées sur le dialogue afin qu'ils puissent eux-mêmes choisir leur traitement en déterminant ce qui leur convient le plus ».

Amanda Seyfried l'explique elle-même : les maladies mentales sont des maladies à part entière et devraient donc être traitées avec le même respect.

« Les gens rangent les maladies mentales dans une catégorie différente [des autres maladies], mais je ne pense pas que ça soit le cas. Elles devraient être prises au sérieux comme toutes les autres ».

Et la maladie est bien présente même si elle ne se voit pas.

« Pourquoi avoir besoin de prouver son existence ? Traitez-la si vous le pouvez », confie-t-elle.

Marie-Claire Dorking