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Sans le savoir, un infirmier essayait de sauver Brahim Abdeslam

Hommage aux victimes du Comptoir Voltaire, café du XIe arrondissement de Paris, où un infirmier dans un grand hôpital parisien a tenté, sans le savoir, de sauver Brahim Abdeslam, l'un des kamikazes des attaques du 13 novembre. /Photo prise le 21 novembre 2015/REUTERS/Charles Platiau

par Marie-Louise Gumuchian et Pauline Mevel PARIS (Reuters) - Dans le chaos provoqué par l'explosion au Comptoir Voltaire, café du XIe arrondissement de Paris, vers 21h40, le vendredi 13 novembre, David, infirmier dans un grand hôpital parisien, a été guidé par l'instinct et n'a pensé qu'à porter secours aux blessés. L'un d'eux est bloqué entre des tables et des chaises soufflées par la déflagration. David, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, l'attrape et l'allonge à terre, dans un geste brusque. "Je le claque, je m'approche, pas de respiration, il est complètement inconscient", raconte à Reuters cet homme de 46 ans. "Mon premier réflexe, c'est de le masser, je commence un massage cardiaque." S'il remarque une plaie d'environ 30 centimètres sur le côté du corps, David pense s'être penché sur un autre client durement touché par ce que lui croit encore avoir été un accident, peut-être une fuite de gaz. Il n'en est rien. "On avait juste déboutonné le blouson, on avait gardé le tee-shirt. Je n'ai rien senti en le massant", dit-il. "En déchirant le tee-shirt, j'ai vu des fils. Mon regard s'est porté sur ces lampes de chauffage, je vois qu'aucune des trois n'a rien (...) et là je vois les premiers boulons." "Là, j'ai tout de suite compris : c'est une explosion, c'est un kamikaze. Je savais que c'était lui." Lui, c'est Brahim Abdeslam, membre du commando qui a ouvert le feu sur des bars et restaurants des Xe et XIe arrondissements dans les 20 minutes précédentes, pendant qu'une autre équipée terroriste commettait un massacre au Bataclan et qu'une dernière faisait exploser trois bombes aux abords du Stade de France. Agé de 31 ans, il a participé aux attentats pour lesquels est recherché son frère Salah Abdeslam, soupçonné d'avoir été membre du même commando. Au total, 130 personnes sont tuées ou succomberont à leurs blessures et plus de 350 autres sont blessées en moins d'une heure à Paris et Saint-Denis, mais Brahim Abdeslam n'emporte personne dans la mort au Comptoir Voltaire, où trois personnes sont toutefois grièvement blessées. "C'EST PAS LE GAZ. C'EST LUI" Sur une vidéo amateur que Reuters s'est procurée, on peut voir deux personnes tenter de réanimer un homme gisant au sol. L'un semble être David, l'autre demeure inconnu. "Il y avait quatre fils : un blanc, un noir, un rouge et un orange. Le premier truc que j'ai vu, c'était un fil rouge et je pense que c'est le détonateur parce qu'il y a quelque chose au bout", se souvient David. "J'ai dit à l'autre qui massait avec moi : 'c'est pas les parasols, c'est pas le gaz, c'est lui'." Les secours arrivent à ce moment-là. David connaît l'un des pompiers et raconte qu'il lui fait un point de la situation. "Je lui dis : 'Ce gars est inconscient, on a commencé le massage cardiaque, j'ai déchiré son tee-shirt, il y a des fils dessous'. Et là, il me regarde et il se met à crier : 'On évacue tout ! Tout le monde dehors !'" Habitant du quartier, l'infirmier connaît bien le Comptoir Voltaire où il était venu dîner avec un ami. L'explosion s'est produite au moment où la serveuse venait de déposer leurs assiettes sur la table. "C'est une flamme énorme qui s'est soulevée avec de la poussière et (...) pour moi, c'étaient les parasols de chauffage qui étaient sur cette terrasse qui avaient éclaté", se souvient David, qui était installé à l'intérieur. "J'ai crié : 'Coupez le gaz!'" "Et là, il y a eu un moment de panique, d'affolement. Tous les gens se sont mis à courir dehors et moi, je ne sais pas pourquoi, sans doute par conscience professionnelle, je suis parti sur cette terrasse où j'ai senti une odeur de soufre, de fumée." Après avoir aidé une femme puis un jeune homme couché sur une table, il s'est donc occupé de Brahim Abdeslam, qu'il n'a pas vu entrer dans le restaurant. "J'ai eu une explication avec la police quand j'y suis retourné le samedi pour récupérer mes affaires", raconte-t-il. Il se souvient aussi que l'officier lui a dit quelle chance il avait eu : "Sa bombe n'a pas explosé tout à fait comme il fallait sinon il aurait fait beaucoup plus de dégâts", a dit celui-ci, selon les propos rapportés par David. "En le mettant par terre, en le massant, c'est quand même des gestes assez brusques que j'ai faits. J'aurais pu aussi y passer. J'y pense, j'y pense encore." (Edité par Gregory Blachier)