Nouvelle passe d'armes verbale entre Paris et Rome

La France n'est pas intéressée par la stabilisation de la Libye, notamment parce qu'elle veut d'abord y protéger ses intérêts pétroliers, a estimé mardi le vice-président du Conseil italien Matteo Salvini, entretenant les tensions entre Rome et Paris. /Photo prise le 14 janvier 2019/REUTERS/Remo Casilli

ROME/PARIS (Reuters) - L'Italie et la France ont poursuivi mardi leur affrontement verbal sur le rôle joué par Paris en Afrique, notamment en Libye, dernière crispation en date entre les deux pays alliés après des tensions autour de la crise des "Gilets jaunes".

Après le co-vice-président du Conseil italien et chef politique du Mouvement 5 Etoiles (anti-système) Luigi Di Maio samedi, c'est Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur et chef de file de La Ligue du Nord (extrême droite) qui a ouvert les hostilités mardi.

"En Libye, la France n'a aucun intérêt à stabiliser la situation, probablement parce qu'elle a des intérêts pétroliers qui sont contraires à ceux de l'Italie", a déclaré l'autre co-vice-président à la chaîne de télévision Canale 5.

Les groupes pétroliers Eni et Total sont partenaires en Libye au sein de plusieurs coentreprises. Claudio Descalzi, le dirigeant de l'italien Eni, avait à ce sujet réfuté l'année dernière toute tension avec Total.

Le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, a tenté d'apaiser les tensions. "Ceci ne remet pas en question notre amitié historique avec la France, pas plus qu'avec le peuple français. Cette relation reste forte et constante en dépit de disputes politiques", écrit-il dans un communiqué.

Samedi dernier, Luigi di Maio avait déjà accusé les autorités françaises d'"appauvrir" l'Afrique et de se servir du franc CFA pour poursuivre leur oeuvre colonisatrice en Afrique.

Ses déclarations ont été jugées "inacceptables" par le Quai d'Orsay qui a convoqué lundi l'ambassadrice d'Italie à Paris, Teresa Castaldo.

S'exprimant mardi en marge de la signature par Emmanuel Macron et Angela Merkel d'un nouveau traité de coopération franco-allemand à Aix-la-Chapelle, une source à la présidence française a évoqué indirectement les tensions actuelles.

Lors des élections européennes de mai, le projet européen va "vraiment se confronter à ceux qui - on le voit encore aujourd'hui encore avec les déclarations aberrantes du gouvernement italien - cherchent cette espèce de destruction du projet européen et du couple franco-allemand", a-t-on dit.

"VOLER LA VEDETTE"

Les déclarations italiennes sont "fausses et sans fondement", a renchéri une source diplomatique française à Paris. La France déploie ses efforts pour trouver une solution à la situation en Libye, ancienne colonie italienne plongée dans le chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que Matteo Salvini tient de tels propos, il a sans doute voulu ainsi éviter de "se faire voler la vedette" par Luigi Di Maio, a estimé cette source.

Depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition Ligue-M5S en Italie en juin dernier, les relations entre Paris et Rome se sont crispées notamment autour des questions migratoires et plus récemment autour de la crise des "Gilets jaunes".

Début janvier, Luigi Di Maio a appelé les manifestants qui protestent depuis le 17 novembre en France à "ne rien lâcher". Il a été rejoint en ce sens par Matteo Salvini qui a apporté son soutien aux "Gilets jaunes".

Ce double appel a été fraîchement accueilli par la ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau, qui a invité sur Twitter les deux dirigeants à "balayer devant leur propre porte", soulignant que la France se gardait "de donner des leçons à l'Italie".

Plus récemment, dans la foulée de l'arrestation en Bolivie de Cesare Battisti, Matteo Salvini a accusé les autorités françaises de ne pas livrer les anciens militants italiens d'extrême gauche réfugiés en France.

(Crispian Balmer à Rome, Marine Pennetier et John Irish à Paris et Jean-Baptiste Vey à Aix-la-Chapelle, édité par Yves Clarisse et Henri-Pierre André)