Sécheresse: est-ce que la pluie en France va permettre de recharger les nappes phréatiques?
De la pluie, de la pluie et encore de la pluie... Après une sécheresse hivernale et des épisodes de fortes chaleurs en ce début d'été, le quart nord-ouest du pays connaît des précipitations quotidiennes depuis plus d'une semaine, des Hauts-de-France à la Bretagne en passant par l'Île-de-France. Une météo, "presque automnale" qui se répand dans toute la France, ce mardi et pour le reste de la semaine, hormis sur la côte méditerranéenne, encore touchée par des feux de forêt.
Alors qu'au 1er juillet, 68% des nappes phréatiques du pays étaient à un niveau inférieur aux normales -contre 75% à la même époque l'année dernière-, on se demande si les récentes précipitations vont permettre de les remettre en état.
La réponse est, malheureusement, non.
"Les nappes ne se rechargent qu'entre le mois d'octobre et les mois de février-mars", affirme Laurie Caillouet, hydrologue et membre de l'association de sensibilisation sur les enjeux de l'eau, Eau'Dyssée.
De l'eau captée par la végétation
Si en France, on estime qu’en moyenne seules 20 à 23% des précipitations annuelles arrivent à s'infiltrer en profondeur, en été, c'est encore pire. Plusieurs facteurs empêchent la pluie de pénétrer les sols.
L'eau est captée par la végétation qui est en pleine pousse, "contrairement à l'hiver où la végétation dort".
Les températures sont aussi plus élevées: résultat, la pluie s'évapore. "Même s'il fait entre 20 et 25 degrés, cela suffit", souligne la spécialiste.
Contrairement à ce que l'on croit, les grandes quantités d'eau qui tombent lors des pluies orageuses -courantes en été- ne bénéficient pas aux nappes.
"II y a trop d'eau qui tombe d'un coup, et la terre a une capacité d'absorption limitée, explique Laurie Caillouet. Une grande partie va ruisseler sur les sols, sans les infiltrer, et va glisser dans les rivières."
Des rivières qui, d'ailleurs, lorsqu'elles sont à sec nécessitent le soutien des nappes pour s'alimenter et retrouver du débit.
L'eau ne pénètre pas non plus correctement des sols trop secs. "C'est comme une éponge", explicite-t-elle. "Si vous mettez une éponge toute sèche sous un robinet, elle ne va pas absorber tout de suite, l'eau va d'abord couler autour avant que l'éponge n'agisse. Et pareil, si l'éponge est pleine d'eau, l'eau tombe à côté."
Grâce à la pluie, on puise moins dans les nappes
Pour autant, il ne faut pas croire que la pluie en été est inutile. Au contraire. Grâce à la pluie, on a moins besoin d'irriguer, que ce soit pour la végétation ou les cultures agricoles, et on puise moins dans les nappes. Sauf pour l'eau potable que l'on utilise au quotidien -les nappes servent aux deux tiers de la consommation d'eau potable en France-, cela ne change rien.
En résumé, quand il pleut en été, les nappes ne se remplissent pas, continuent à être pompées, mais dans une moindre mesure que si les précipitations étaient nulles. "Pour que les nappes se rechargent, il faut qu'il pleuve de manière continue, et non pas seulement trois jours, lors de l'automne et l'hiver prochain", déclare l'hydrologue.
En attendant, dans le sud de la France, où il ne pleut pas et où il fait chaud, les niveaux s'aggravent. "Les cumuls de précipitations sont déficitaires sur une large moitié sud du pays. Sur la Corse et plus localement sur le pourtour méditerranéen", note Météo France. En moyenne, la pluviométrie du mois de juillet est déficitaire d’environ 10 %.
Actuellement, près de 120 communes sont privées d'eau potable, d'après le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu et une trentaine de départements métropolitains sont en niveau de crise sécheresse, c'est-à-dire que l'eau est limitée aux usages prioritaires. Comme dans le département du Nord, pourtant touché par des précipitations. Cette pluie ne permet pas de rattraper le retard accumulé depuis le début de l'année.