Réfugiés

On a tous en mémoire un café-épicerie aux odeurs mêlées de détergent, de croissant et de chicorée, un souvenir d’adolescence ou de lecture qui nous transporte ou nous flanque le blues (nous ne pleurerons pas sur ces bistrots d’autrefois où un gros bonhomme servait un café amer en tenant des propos limites sous le regard mauvais d’un chien-loup). Bref, le bistrot nous parle à toutes et à tous, en bien ou en mal, surtout à Libé, vous imaginez bien pourquoi. Cela tombe bien, nous avons deux nouvelles, une mauvaise et une bonne. La mauvaise, c’est que, crise économique aidant, les bistrots sont de plus en plus nombreux à fermer dans les campagnes. La bonne, c’est qu’un vaste mouvement est lancé qui tend à leur redonner un rôle de lien social direct là où l’isolement et la solitude broient nombre d’existences. Le bistrot n’est plus (seulement) lieu de picole, plutôt lieu de rigole où, au choix, on vient voir des films, on joue au poker, on récupère du wi-fi ou son colis commandé sur Internet. Un lieu où les réfugiés du monde entier peuvent trouver un semblant d’humanité - cette phrase d’un Syrien à Helsinki, trouvée vendredi dans une dépêche AFP : «Le vocabulaire du café, c’est celui que je connais le mieux.» Allez, puisque bistrot rime aussi avec héros (de littérature), un petit dernier pour la route : «Conscience de mon père d’avoir une fonction sociale nécessaire, d’offrir un lieu de fête et de liberté […]. A la sortie de la fabrique voisine de sous-vêtements, les filles venaient arroser les anniversaires, les mariages, les départs. Elles prenaient dans l’épicerie des paquets de boudoirs, qu’elles trempaient dans le mousseux, et elles éclataient en bouquets de rires, pliées en deux au-dessus de la table» (la Place, d’Annie Ernaux).

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