Comment la Russie produit-elle des armes avec des pièces étrangères malgré les sanctions ?
Vladyslav Vlasiuk, conseiller de Volodymyr Zelensky et commissaire chargé de la politique des sanctions, affirme que la Russie est toujours en mesure de reconstituer sa machine de guerre, malgré les sanctions imposées à Moscou depuis le début de l'invasion de l'Ukraine il y a plus de deux ans.
"La Russie est toujours capable d'acquérir ces pièces et de produire des armes, y compris des missiles et des drones. Nous sommes cependant heureux que les Russes reçoivent moins de pièces et qu'ils les payent beaucoup plus chers", déclare-t-il.
David O'Sullivan, envoyé de l'UE pour les sanctions, affirme que, dans certains cas, "la microélectronique est désormais 125 % plus chère pour la Russie, voire 300 %" et que cela représente "un préjudice considérable pour le secteur militaro-industriel russe".
Produits prioritaires pour le champ de bataille
David O'Sullivan salue également le rôle de l'Institut de recherche scientifique pour l'expertise médico-légale de Kyiv dans l'identification des produits militaires prioritaires pour Moscou.
Nataliia Nestor, directrice adjointe de cet organe rattaché au ministère ukrainien de la Justice, indique qu'au cours de l'année 2023, les membres de l'Institut ont mené environ 30 000 études liées à l'agression militaire russe contre l'Ukraine.
Selon elle, ses experts étudient presque tous les types de missiles utilisés actuellement par Moscou : Iskander, Kinzhal, Kalibr, Kh-101, Kh-55, Kh-59, etc.
La plupart des composants provenant des pays de l'UE se retrouvent dans les drones Geranium-2 (Shahed-136), Orlan, ainsi que dans d'autres drones de reconnaissance (Eleron, ZALA, etc.) et dans les missiles des systèmes Iskander, Kh-101, Kinzhal.
"Par exemple, dans les drones d'attaque Shahed, on trouve des processeurs, des microcircuits, des interrupteurs, des capteurs, des diodes, des puces, des pompes à carburant, des mémoires flash, etc. fabriqués dans l'UE", explique-t-elle.
Comment la Russie obtient-elle des composants étrangers ?
La Russie dispose d'un vaste réseau d'agents dans le monde entier qui facilite l'acheminement des composants par le biais de pays intermédiaires ou tiers, en contournant les sanctions.
De plus, la plupart des pièces étrangères sont des composants dits à double usage, qui peuvent être utilisés, par exemple, dans les appareils ménagers, l'électronique ou l'armement. Certaines des pièces trouvées dans les drones et les missiles russes peuvent être utilisées dans des machines à laver, des caméras, des réseaux en ligne, etc.
"Malheureusement, les choses qui ont été inventées pour rendre ce monde plus facile ne sont pas toujours utilisées à des fins pacifiques", déclare Nataliia Nestor.
Les recherches de l'Institut ont également mis en lumière la capacité d'adaptation de la Russie. Les experts ont identifié des ensembles différents de pièces dans les missiles et les drones, bien qu'ils soient utilisés dans le même but.
"Les producteurs militaires russes utilisent les capacités dont ils disposent. Cela signifie qu'ils n'ont pas établi d'approvisionnement régulier en pièces détachées en provenance de l'Union européenne", explique Nataliia Nestor.
"En d'autres termes, le fournisseur d'aujourd'hui peut venir de Suisse, celui de demain d'Allemagne, puis des Pays-Bas, et ainsi de suite".
La Russie augmente sa production de drones
Moscou continue par ailleurs de manifester son engagement en faveur d'une production de drones plus importante en Russie.
Le 19 septembre, le président russe Vladimir Poutine a rencontré la Commission militaro-industrielle de Russie pour discuter des efforts en cours pour augmenter la production nationale de drones.
Il affirme que les entreprises russes ont livré environ 140 000 drones en 2023, ajoutant que la production devrait être multipliée par dix cette année, pour atteindre 1,4 million de drones.