Russie: la détention provisoire du Français Laurent Vinatier prolongée jusqu'en février, son procès ajourné
La détention provisoire en Russie du Français Laurent Vinatier, accusé de ne pas s'être enregistré en tant qu'"agent de l'étranger", a été prolongée de six mois, jusqu'au 21 février, a annoncé mardi 3 septembre une juge d'un tribunal de Moscou, au premier jour d'un procès qui a aussitôt été ajourné.
"Le tribunal estime qu'il est impossible d'entamer l'examen de l'affaire pénale. L'audience est reportée au 16 septembre à 14 heures", a déclaré la juge Natalia Tcheprassova, après avoir fait état de la prolongation de sa détention, selon des journalistes de l'AFP sur place.
L'ajournement avait été demandé car Laurent Vinatier aurait été informé trop tard de la date de l'audience. Ce Français de 48 ans est apparu souriant, portant une chemise bleue et des jeans de couleur foncée et discutant avec ses avocats.
Arrêté en septembre
L'employé du Centre pour le dialogue humanitaire (HD), âgé de 48 ans, a été arrêté au début du mois de juin à Moscou par les autorités russes alors qu'il se trouvait à la terrasse d'un café. Des images largement diffusées dans les médias du pays dirigé par Vladimir Poutine. Il est depuis en détention provisoire.
Laurent Vinatier est accusé d'avoir collecté des renseignements sur l'armée russe et de ne pas s'être enregistré en tant qu'"agent de l'étranger". Un dernier fait qu'il avait reconnu expliquant qu'il ignorait qu'une récente loi russe l'y obligeait et plaidant la bonne foi.
Le chercheur spécialiste de la Russie sera ainsi jugé par le tribunal Zamoskvoretski de Moscou pour non-respect des obligations visant les personnes désignées "agents de l'étranger" et encourt cinq ans de prison. La législation sur les "agents de l'étranger" est largement utilisée par les autorités russes pour réprimer ou surveiller leurs détracteurs.
Des chefs d'accusation plus graves sont redoutés pour les soupçons de collectes d'informations sur les activités militaires russes. Si jamais les accusations sont requalifiées en "espionnage", le Français risquera des peines bien plus lourdes allant jusqu'à 20 ans de prison.
Le service de renseignement russe, FSB, affirmait au début du mois de juillet dernier que Laurent Vinatier a "entièrement reconnu sa culpabilité" lors d'un interrogatoire.
"Une monnaie d'échange le moment venu"
Ces dernières années, plusieurs Occidentaux, en particulier des Américains, ont été arrêtés en Russie et visés par de graves accusations. L'arrestation du Français est survenue en pleine montée de tensions entre Paris et Moscou autour du conflit en Ukraine.
Le timing pose d'ailleurs question selon Jérôme Poirot, consultant renseignement pour BFMTV. "Au début de mois de juin, il y a un agent russe qui a été arrêté dans une chambre d'hôtel à Roissy. Il était en train de confectionner des explosifs et donc on peut penser qu'il travaillait pour le Kremlin", rappelle-t-il.
Le Kremlin "a pris immédiatement le lendemain un otage, notre collègue Laurent Vinatier, pour faire de lui une monnaie d'échange le moment venu", estime Jérôme Poirot.
Le 1er août, l'Occident et la Russie ont procédé au plus grand échange de prisonniers depuis la fin de la Guerre froide, parmi lesquels figuraient le journaliste américain Evan Gershkovich et l'ancien Marine Paul Whelan, libérés par Moscou.
L'accord avait permis la libération de 16 personnes détenues en Russie et au Bélarus, en échange de huit Russes incarcérés aux États-Unis, en Allemagne, en Pologne, en Slovénie et en Norvège.
Paris avait alors appelé Moscou à libérer sans délai les autres personnes encore "arbitrairement détenues en Russie", notamment Laurent Vinatier. Un appel resté lettre morte.