Russie : Evan Gershkovich condamné à 16 ans de prison par Moscou qui veut s’en servir pour échanger des prisonniers
Evan Gershkovich, s’il fait appel et que sa condamnation est confirmée, devra purger sa peine dans une colonie pénitentiaire à « régime sévère ».
RUSSIE - Le verdict de son simulacre de procès était attendu. Le journaliste américain Evan Gershkovich a été condamné à 16 ans de prison par un tribunal russe pour « espionnage ». Une accusation jamais étayée par la Russie.
« Gershkovich Evan est reconnu coupable et condamné à 16 ans d’emprisonnement », a déclaré le juge du tribunal régional Sverdlosvki d’Ekaterinbourg, Andreï Mineïev, selon une journaliste de l’AFP sur place.
Le reporter du Wall Street Journal, âgé de 32 ans, devra purger sa peine dans une colonie pénitentiaire à « régime sévère », ce qui signifie des conditions de détention très strictes, comparées au « régime normal ».
Conditions préalables pour un échange de prisonniers
Pour Washington, son arrestation a visé avant tout à monnayer un possible échange de prisonniers, en pleine tension entre la Russie et les États-Unis liée au conflit armé en Ukraine.
Sa condamnation, énoncée à l’issue d’un procès expéditif à huis clos, était d’ailleurs une condition préalable à un possible échange de prisonniers, puisque Moscou n’échange des détenus que s’ils sont condamnés.
Le Kremlin a admis négocier sa libération et le président russe Vladimir Poutine a évoqué lui-même le cas de Vadim Krassikov, en prison en Allemagne pour un assassinat commandité attribué aux services spéciaux russes.
Un « simulacre » de procès
Evan Gershkovich est le premier journaliste occidental, depuis l’époque soviétique, à être accusé d’espionnage en Russie. Son emprisonnement a suscité une importante vague de solidarité au sein de médias américains et européens. Fin juin, la Maison Blanche a dénoncé un « simulacre » de procès, répétant qu’Evan Gershkovich n’avait « jamais travaillé pour le gouvernement » américain.
Ce vendredi, il est apparu devant la presse avant l’énoncé du verdict, les bras croisés, le crâne rasé dans le box en verre réservé aux accusés. Il a plaidé non coupable et exercé son droit à une « dernière prise de parole » avant le verdict, avait annoncé plus tôt à la presse une porte-parole du tribunal, Ekaterina Maslennikova. Le parquet avait requis 18 ans de prison.
S’il fait appel et que sa condamnation est confirmée, il devrait ensuite rejoindre sa colonie pénitentiaire dans la foulée, lors d’un transfert qui peut mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Cette décision a indigné Reporters Sans Frontières. « La condamnation d’Evan Gershkovich à 16 ans de prison est scandaleuse et résulte d’un procès qui ne peut en aucun cas être considéré comme équitable ou libre. Ce verdict doit être immédiatement annulé. Les journalistes ne sont pas des espions, et l’amalgame entre journalisme et espionnage a des implications extrêmement dangereuses pour la liberté de la presse. », a déclaré dans un communiqué Rebecca Vincent, Directrice des campagnes de RSF.
« Le fait de cibler Evan Gershkovich de cette manière est un autre exemple flagrant de prise d’otage inacceptable de la part de la Russie. Nous demandons instamment aux États-Unis, pays dont le journaliste est citoyen, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir sa libération immédiate et son retour en toute sécurité dans son pays », a-t-elle ajouté.
Moscou refusé de spécifier ses accusations
Reporter reconnu pour son professionnalisme, Evan Gershkovich avait été arrêté fin mars 2023, alors qu’il était en reportage à Ekaterinbourg (Oural), pour « espionnage », une accusation que la Russie n’a jamais étayée et que le journaliste, sa famille, ses proches ainsi que la Maison Blanche rejettent.
Le Kremlin a une fois encore refusé vendredi de spécifier ses accusations : « Les accusations d’espionnage sont une chose très sensible, nous ne pouvons pas faire d’autres commentaires, le procès est en cours », a éludé le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov.
Le procès de Gershkovich, après 16 mois de détention, aura été expéditif : une audience le 26 juin, une autre jeudi et enfin celle de ce vendredi. Toute la procédure a été placée sous le sceau du secret et rien n’a filtré du huis clos imposé par les autorités. Il s’agit donc d’une procédure express, car les procès de ce type s’étalent d’ordinaire sur plusieurs semaines ou mois.
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