Royaume-Uni: aveugle, on lui refuse des prestations sociales car elle a été capable de se rendre à un entretien

Charlotte Easton, aveugle et malentendante, s'est vu refuser des prestations sociales parce qu'elle a réussi à se rendre à un entretien au Département britannique du Travail et des Retraites (DWP), à Londres, avec l'aide de sa mère, indique The Guardian.

L'Anglaise, âgée de 40 ans, vit dans le Hertfordshire avec son frère, qui s'occupe d'elle. Elle est atteinte du syndrome de Pfeiffer, une maladie congénitale rare qui affecte son crâne, et d'une hydrocéphalie, une pathologie neurologique.

En raison de son état de santé, Charlotte Easton a déposé une demande d'allocation d'emploi et de soutien (ESA) versée aux Britanniques souffrant d’un handicap et dont la poursuite d'une activité professionnelle s'avère difficile.

À la demande du DWP, l'Anglaise a donc été convoquée pour une évaluation dans les locaux du Département à Archway, dans le nord de Londres, à environ 35 kilomètres de chez elle.

"Je ne peux plus vivre comme ça"

Mais une fois arrivée sur place, l'administration a demandé à Charlotte Easton comment elle était parvenue à venir jusqu'à eux. L'Anglaise a alors expliqué que sa mère l'avait accompagnée en train, puis guidée jusque dans leurs locaux, s'assurant "que personne ne (la) bouscule".

Stupéfaits, les employés du DWP ont convenu aussitôt que Charlotte Easton n'était finalement pas éligible à l'allocation ESA. Si elle était capable de se rendre à un rendez-vous, elle était aussi capable de travailler, ont-ils conclu.

"Cela me frustre", a confié Charlotte Easton au Guardian. Malgré la décision de sa mère de faire appel de la décision, le dossier de Charlotte Easton n'a pas été réévalué.

"Je ne peux plus vivre comme ça. Bien que mon quotidien serait plus agréable avec cet argent, ma vie elle serait plus simple sans le stress engendré pour essayer de l'obtenir", a-t-elle déclaré.

Charlotte Easton n'est pourtant pas autonome, indique The Guardian. La femme est visitée régulièrement par une soignante qui l'emmène en promenade une fois par semaine. "Elle m'a donné suffisamment confiance en moi pour que je ne m'accroche pas à elle - je me contente de tenir mon bras contre elle pendant que nous marchons. Je me sers maintenant de ma canne, ce que je n'avais jamais osé faire auparavant", a-t-elle raconté au journal britannique.

Ce n'est pas la première fois que Charlotte Easton se heurte au système social britannique. À l'issue d'un entretien téléphonique pour évaluer sa situation et bénéficier d'une allocation d'autonomie personnelle (PIP), l'Anglaise s'était vu envoyer un courrier du service.

Or, étant aveugle, elle avait dû demander à sa mère de lui lire le contenu de la lettre. Charlotte Easton a depuis contacté la DWP pour que les lettres qui lui sont adressées soient écrites en braille ou envoyées sur sa messagerie électronique, à laquelle elle peut accéder grâce à un lecteur d'écran.

Charlotte Easton n'est malheureusement pas la seule dans cette situation. D'après une enquête réalisée par l'association britannique Sense auprès de 1.001 personnes souffrant de handicaps au Royaume-Uni, 43 % d'entre elles ont été contactées à plusieurs reprises par le DWP dans un format qui ne répondait pas à leurs besoins, alors qu'elles avaient préalablement indiqué au service leur handicap.

Un système défectueux?

Plusieurs organisations caritatives et défenseurs des droits des personnes handicapées ont critiqué le système de prestations sociales britannique, affirmant que des demandeurs vulnérables ont été acculés à la précarité après s'être vu refuser des allocations injustement.

En 2020, une polémique s'était élevée après qu'Errol Graham, un homme souffrant de graves troubles mentaux, était mort de faim, huit mois après la suppression de ses prestations d'invalidité.

"Nos recherches ont révélé de graves failles dans le système de prestations sociales, dont les personnes handicapées paient le prix", a déclaré Richard Kramer, directeur général de Sense.

"Il est inacceptable que des personnes souffrant de handicaps complexes se sentent humiliées et effrayées, et que leur état se détériore à cause de l'évaluation de leurs prestations sociales", a-t-il poursuivi.

L'évaluation de la capacité de travail, dont a fait l'objet Charlotte Easton, pour déterminer les bénéficiaires de l'aide sociale ESA, devrait être réformée en 2025, indique The Guardian.

"Des millions de personnes dépendent de notre système de protection sociale chaque année et il est essentiel qu’il soit accessible à tous ceux qui en ont besoin. C’est pourquoi nous travaillerons en étroite collaboration avec les personnes handicapées pour réformer le système actuel afin qu’il leur fournisse le soutien dont elles ont besoin", a affirmé un porte-parole de la DWP.

Article original publié sur BFMTV.com