Que risquent les commerçants qui affichent leurs voleurs sur leurs vitrines ou les réseaux sociaux
La pratique a son expression chez nos amis anglo-saxons: name and shame. Et elle se répand en France. De plus en plus de commerçants, excédés par les vols à répétition commis dans leurs magasins, n'hésitent plus aujourd'hui à afficher le visage des voleurs.
À l'entrée du commerce ou sur les réseaux sociaux, les portraits de celles et ceux pris en flagrant délit de vol peuvent surprendre plus d'un client. Une façon pour eux de les dissuader de revenir voler ou de prévenir les autres commerçants de la présence de voleurs dans leur quartier.
"Je n'ai pas envie de faire justice moi-même mais si ça continue comme ça, comment ça va être à Noël", témoigne Jennifer, gérante de la boutique "Contraste by Jenny", et qui a par ailleurs porté plainte.
Si les faits commis par les voleurs sont établis, ils sont alors répréhensibles. Tout comme cette pratique du name and shame, car celle-ci viole plusieurs principes juridiques.
Risque d'amende et même de la prison
Il y a d'abord le fait de capturer en image et d'afficher le portrait en public d'une personne sans son consentement. Il s'agit d'un non-respect de la protection de la vie privée.
L'article 226-1 du Code pénal prévoit qu'"est puni d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui".
"En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé", le commerçant encourt donc cette peine d'emprisonnement et ces 45.000 euros d'amende.
Non-respect de la présomption d'innocence
Autre principe ici bafoué: le respect de la présomption d'innocence. L'article 9-1 du Code civil prévoit que "chacun a droit au respect de la présomption d'innocence" tandis que l'article préliminaire du Code de procédure pénale indique que "toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité na pas été établie".
"Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi", peut-on également lire dans ce même article du Code de procédure pénale.
En l'espèce, le fait pour les commerçants d'écrire à côté de la photo montrant une personne la mention "voleur" ou tout autre terme pouvant porter atteinte à l'honneur de la personne non-jugée pourra être considéré comme de la diffamation publique. L'auteur de la diffamation publique encourt jusqu'à 12.000 euros d'amende et peut se voir ordonner par la justice "toutes mesures [...] aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence" comme le retrait des affiches ou publications.