"Ribery c'est à moi qu'il a failli casser les pattes... enfin plutôt la gueule"

Notre consultant Vikash Dhorasoo nous raconte une de ses rencontres pas très agréables avec Franck Ribéry dans une boite de nuit parisienne.

"Ribery c'est à moi qu'il a failli casser les pattes... enfin plutôt la gueule"

Le président de la république française aurait pu éviter de s’attaquer aux footballeurs, des “vedettes richissimes sans préparation”, des sportifs qui auraient besoin d’un peu de “musculation du cerveau”. Lui même est sorti de l’ENA et sait qu’on ne va pas vers l’excellence sans y laisser des plumes. La création d’une élite a forcément besoin d’une sélection naturelle. Que fait une grande école ? Ça casse, ça abime. Comme d’autres, on est bien souvent déconnectés de la réalité. Mais un footballeur, ça ne casserait pas trois pattes à un canard, enfin pas tous…

Ribéry, c’est à moi qu’il a failli casser les pattes, enfin plutôt la gueule. Il n’avait pas du aimer un passage de mon livre “Hors Champs” à son propos. Et bien je ne lui en veux pas car j’aime les footballeurs et lui, c’est un grand footballeur et j’ai un grand respect pour les footballeurs. Je pense qu’ils sont peut-être des êtres pas communs, peut-être même un peu extraordinaire dans le sens extra-ordinaire… Et Francky, faut pas s’enflammer. J’avais déjà de quoi lui en vouloir avant. Il est arrivé un jour juste avant la Coupe du monde et il m’a piqué ma place. Ma place ! Quel con j’ai pu être. J’ai cru que c’était ma place mais Raymond D. lui a filé. Il avait raison le Raymondo. J’ai cassé contre le Mexique. J’ai remplacé Zidane à la mi-temps et j’ai mal joué. A partir de là, c’est Ribéry qui a joué et il a bien joué.

Allez, J’en reviens à nos patates ou à mes betteraves. C’est comme ça qu’on dit dans le pays de Caux d’ou je viens. Caucriauville, un quartier du Havre de 25 000 habitants. Un quartier dur, très dur. On y parle le cauchoix et je peux dire qu’avec l’accent havrais, en plus, même un ch’ti aurait du mal à nous comprendre. Je ne lui ai jamais adressé la parole à Ribéry. Ah si, une fois…

"Et Dhorasoo, va te couper les tifs", m’a-t-il dit pendant le diner après une victoire pendant la Coupe du monde. Tout le monde a ri. Je me suis retourné, je l’ai regardé et je n’ai pas su quoi dire. Dans mon quartier, on m’a appris à pas répondre quand on n’a pas la bonne vanne ou qu’on l’a mais c’est plus vraiment une vanne ! 

C’était un quartier très dur et j’y ai beaucoup appris. J’avais décidé de ne pas me battre et je ne me suis jamais battu. J’avais compris une chose. Que l’important était de ne rien avoir vu pour ne jamais être en danger alors je n’ai jamais rien vu. J’ai préféré jouer au football parce que jouer au football me protégeait et me donnait le droit d’avoir vu (j’ai quand même joué 10). J’étais le meilleur de mon quartier. Pour jouer au foot avec les meilleurs et contre les meilleurs, il a fallu un jour que je pense être le meilleur. Oui, je pensais être le meilleur joueur du monde. Meilleur que Zidane, Platini et Maradona et même meilleur que Ribéry. 

Comment j’aurais fait sinon en rentrant dans le vestiaire du grand Milan AC rempli de monstres sacrés ? Et bien, je ne me serais pas assis entre Hernan Crespo et Kaka et je serais retourné dans mon quartier. Franck lui, il a voulu être le meilleur et il a presque réussi mais bon "on est toujours le perdant de quelqu’un", n’est-ce pas ? 

Et ce soir-là, quand il m’a coincé dans cette petite salle et bien j’ai été son loser. Il était plus de 2h du matin dans cette boite de nuit parisienne. Moi je parlais à Ronaldinho et je l’avais même convaincu de faire un papier pour SoFoot quand je me suis fait soulever du sol… Trente secondes plus tard, je me suis retrouvé dans une petite pièce de 2m2. Je savais qu’il aimait les petits espaces mais quand même. J’ai eu très peur dans cette petite pièce ce soir-là, bloqué entre lui, deux colosses et la porte battante. Moi devant lui et ses deux gardes du corps derrière. Dans mon quartier avec l’accent cauchois, on dirait que je me suis fait “mettre à l’amende”. Je n’ai rien dit. J’étais à l’extérieur et j’ai accepté la domination. Le Barça peut aller se coucher. En possession de parole, c’était du 90/10.

Je suis assez fier car je suis sorti intacte et je ne me suis toujours pas battu de ma vie. C’était dur à encaisser mais je m’en suis remis. Parce que je suis footballeur comme lui et nous, les footballeurs, on se remet de tout, de la blessure, du banc de touche, du mec qui te remplace et qui marque un but, de l’entraineur qui te fait sortir à la mi-temps sans te le dire ou qui t’envoie en CFA alors que tu viens de faire une coupe du monde.

Ca m’a aussi fait du bien d’être soulevé du sol. Quelqu’un devait me rappeler que je n’étais qu’un footballeur et que je serais toujours un footballeur. Quand j’étais jeune, je ne rentrais pas en boite de nuit et ce soir-là, si je suis rentré dans cette boite de nuit "select", c’est parce que j’avais fait une Coupe du monde, parce que j’étais footballeur. Oui, ce soir-là, j’ai compris que c’est de Franck Ribéry que je suis le plus proche car je suis footballeur comme lui. Que tous les deux, comme beaucoup d’autres, on a le même parcours, la même histoire. Quelqu’un devait m’alerter sur mes prises de parole de moins en moins bienveillantes. Etre footballeur c’est en moi, ça me définit, ça nous définit. Souviens toi Francky, on est des êtres extra-ordinaires ! 

Alors j’aimerais lui dire à Francky que ce soir-là, avec tes quinze copains, quand vous m’avez enfermé dans cette salle, je ne t’ai pas trouvé à la hauteur de ton talent. J’aurais préféré garder l’image de ce match qu’on s’est livré au Stade de France dans le couloir droit. On s’était bien battu ce soir-là. Ça, c’était un beau combat loyal et réglo ! 

Oui Francois Hollande, Franck Ribéry est un grand footballeur ! 

Oui Francois Hollande, Franck Ribéry a un cerveau musclé ! 

Vikash Dhorasoo