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Retraites: La réforme en conseil des ministres, la contestation perdure

par Marine Pennetier

PARIS (Reuters) - Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi en France contre le projet de réforme des retraites, au moment même où ce texte, objet d'une contestation sociale sans précédent depuis près de deux mois, était présenté en conseil des ministres, première étape avant son examen au Parlement.

Répondant à l'appel de l'intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU et organisations de jeunesse) mobilisée depuis le 5 décembre, les opposants à la réforme ont défilé à Marseille, Nantes, Nice, Le Havre, Lille, Bordeaux, Rennes, Grenoble, ou encore à Paris, où le cortège a rassemblé 350.000 à 400.000 personnes, selon la CGT.

A l'échelle nationale, la confédération avance le chiffre de 1,3 million de manifestants.

Pour le ministère de l'Intérieur, ils étaient 249.000 pour toute la France et 31.000 à Paris.

"Loin de s’essouffler, la mobilisation prend corps dans de nombreux nouveaux secteurs, elle s’installe dans le pays et le soutien de haut niveau de l’opinion publique ne se dément pas de semaine en semaine", assure la CGT dans un communiqué.

Lors de la précédente manifestation parisienne, le 16 janvier, le syndicat avait comptabilisé 250.000 manifestants dans la capitale, le ministère de l'Intérieur 23.000.

"Notre détermination est intacte", a déclaré à Paris Yves Veyrier, numéro un de Force Ouvrière, qui réclame comme l'intersyndicale le retrait du texte. "On a devant nous des semaines et des mois de mobilisation".

Réfutant l'idée d'un "baroud d'honneur", le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a pour sa part estimé qu'il y avait "toutes les raisons de se mobiliser" face à une réforme "qui est injuste" et qui "va nous faire travailler plus longtemps".

Après un bref retour à la normale, le trafic à la SNCF et à la RATP a connu de nouvelles perturbations avec seulement trois lignes de métro fonctionnant normalement. Le trafic étaient en revanche quasi normal sur les TGV et l'international, 70% des TER-Intercités et 60% des Transiliens.

Dans l'Education nationale, où la réforme suscite l'inquiétude des enseignants dont la retraite ne sera plus calculée sur les six derniers mois, comme c'est le cas actuellement, mais sur l'ensemble de la carrière, le taux de grévistes était de 15,84% dans le primaire et de 10,3% dans le secondaire, selon le ministère. Un chiffre en hausse par rapport aux précédentes mobilisations du mois de janvier.

"BON ESPOIR"

"Les 500 millions d’euros promis pour compenser les pertes que subiraient les enseignants ne répondent pas à la demande de revalorisation des salaires qui est nécessaire", a déploré Bernard Debedan, secrétaire général de la FSU de la Haute-Garonne, présent dans le cortège toulousain qui a réuni 5.000 personnes selon la police, 95.000 selon les syndicats.

La réforme prévoit de fusionner les 42 régimes de retraite existants en un seul régime à points. L'exécutif a consenti ces dernières semaines des concessions à plusieurs professions - cheminots, policiers, etc. - au risque d'être accusé de recréer des "régimes spéciaux" qu'il entend supprimer.

Pour tenter de sortir de l'impasse, le Premier ministre Edouard Philippe a également tendu la main aux centrales réformistes (CFDT, Unsa, CFTC) favorables au régime universel par points mais opposés à toute réforme "paramétrique".

Le chef du gouvernement a proposé de retirer temporairement du projet de loi l'introduction d'un âge pivot fixé à 64 ans, à charge pour les partenaires sociaux de trouver une alternative à cette mesure qui doit permettre d'équilibrer le système des retraites en 2027, dans le cadre d'une conférence sur le financement qui débutera le 30 janvier pour s'achever fin avril.

Dans un entretien accordé à La Croix publié vendredi, Edouard Philippe indique avoir "bon espoir" que cette conférence, à laquelle FO et la CGT n'ont pas encore confirmé leur présence, "permette de déboucher sur quelque chose d'intelligent et de responsable".

Le calendrier est serré. Une fois présentés en conseil des ministres ce vendredi, les deux projets de loi (organique et ordinaire) seront examinés par une commission spéciale de l'Assemblée nationale à partir du 3 février avant d'être débattus en séance publique à partir du 17 février, pour une adoption finale que l'exécutif espère avant l'été.

"DÉMOCRATIE SOCIALE", RÉPOND LE GOUVERNEMENT

"C'est un texte qui laisse de la place à la démocratie sociale", a assuré Laurent Pietraszewski, secrétaire d'Etat chargé de la réforme des retraites, à l'issue du conseil des ministres. "A chaque fois que ce sera possible si nous pouvons introduire (...) des éléments qui seront négociés, nous le ferons".

Engagée dans une course contre la montre, l'intersyndicale n'entend pas relâcher la pression. Après avoir multiplié les actions "coup de poing", comme des coupures de courant sauvages condamnées vendredi par Emmanuel Macron, elle a lancé un appel à une nouvelle journée de mobilisation le 29 janvier, veille de la conférence sur le financement.

Reçus à Matignon jeudi soir, les représentants des avocats, qui défendent leur système de retraites largement excédentaire, estiment quant à eux ne pas avoir été entendus et se décideront samedi sur la suite à donner à leur mouvement.

En région, la mobilisation se poursuit - 180.000 personnes ont défilé à Marseille selon les organisateurs (8.000 selon la police) tandis qu'à Rennes 4.000 personnes selon la préfecture (8.000 selon les syndicats) sont descendues dans les rues.

"Ce n'est pas la réforme des retraites qui nous fait descendre autant de gens différents dans la rue, c'est un ras-le-bol général contre une société de plus en plus injuste et inégalitaire", estime Nicolas, 32 ans, dans le cortège parisien.

(Avec Tangi Salaün à Paris, Marc Leras à Marseille, Johanna Decorse à Toulouse et Pierre-Henri Allain à Rennes, édité par Sophie Louet)