Retraites: que se passe-t-il en cas d'adoption d'une motion de censure?
Une fois adoptée, cette disposition permet de renverser le gouvernement. Sous la Ve République, un seul précédent existe et remonte à 1962. Le général de Gaulle, alors chef de l'État, avait répondu par une dissolution de l'Assemblée nationale. Une menace brandie par Emmanuel Macron au mois de septembre dernier.
Chose promise, chose due. Après que le gouvernement a déclenché l'article 49.3 ce jeudi pour faire passer sa réforme des retraites sans vote des députés, une première motion de censure a été annoncée par le Rassemblement national. Deux autres pourraient être déposées dans la foulée. L'une par les insoumis, et l'autre, dite transpartisane, rassemblant notamment des députés LR, LIOT.
Arme de contrôle des parlementaires, cette disposition peut, si elle est adoptée, aboutir à la démission du gouvernement, et dans le cas présent au rejet du projet de loi. Le président de la République peut néanmoins maintenir sa confiance envers sa Première ministre.
Une mission quasi-impossible
Si les spéculations vont bon train, un renversement du gouvernement reste hypothétique. En effet, il faut réunir les suffrages de la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale (287 actuellement) pour que la motion devienne effective.
Autant dire, une mission quasi-impossible pour les oppositions. D'ailleurs, même si la majorité du camp présidentiel n'est que relative, toutes les tentatives de la gauche et de l'extrême droite ont échoué depuis le début de la nouvelle législature.
Un seul précédent sous la Ve République
Preuve de la difficulté de l'entreprise : seule une motion de censure a été adoptée dans l'histoire de la Vème République. Si l'exemple, datant de 1962, se fait vieux, il reste éclairant. Notamment en ce qui concerne la riposte du président de la République de l'époque, le général de Gaulle.
Cette année-là, ce dernier annonce sa volonté de soumettre à référendum une révision constitutionnelle. Il s'agit alors de réformer l'élection présidentielle. Jusqu'ici élu par des grands électeurs - députés et sénateurs - le chef de l'État veut désormais solliciter l'approbation du peuple et instaurer un suffrage universel direct. Conséquence : les parlementaires perdraient de leur influence.
Mécontents, ils sont nombreux à voter en faveur d'une motion de censure le 5 octobre 1962. Résultat : 280 voix pour, soit 39 de plus que la majorité requise à l'époque. Dans la foulée, le Premier ministre Georges Pompidou présente la démission de son gouvernement.
Pour contrer la motion de censure, le président peut dissoudre l'Assemblée
Mais l'exécutif n'est pas démuni. Il contre-attaque. Charles de Gaulle utilise ses pouvoirs de président pour dissoudre l'Assemblée nationale le 9 octobre. En attendant les nouvelles élections législatives, il maintient sa confiance à Matignon.
Fin novembre, le score est sans appel : les gaullistes remportent environ 40% des sièges. Georges Pompidou est conforté dans ses fonctions. L'effet de la motion de censure devient caduc.
"Je dissous tout de suite"
La situation en rappelle une autre. Début septembre 2022, Emmanuel Macron s'était exprimé sur les motions de censure. En cas de 49.3 sur la réforme des retraites, les élus du Rassemblement national (RN) comme ceux de La France insoumise (LFI) menaçaient d'en déposer une.
En réaction, le président de la République avait montré les muscles lors d'une réunion avec les poids lourds de sa majorité, en évoquant une éventuelle dissolution de l'Assemblée nationale. "Je ne veux pas la chienlit. Si une motion de censure est adoptée, tout le monde repart en campagne", déclarait-il.
Il a de nouveau brandi cette menace ce mercredi, laissant entendre qu'il pourrait dissoudre la chambre basse, en cas de vote défavorable sur le projet de loi du gouvernement.
Mais le chef de l'État pourrait-il encore se le permettre aujourd'hui, après un passage en force sur une réforme largement rejeté par les Français ?
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - Pierre-Henri Dumont (LR) sur le 49.3 à l'Assemblée: "Si ça doit passer par une motion de censure, ça passera par une motion de censure"