Retraites : le gouvernement affiche son soulagement après la sixième journée de mobilisation

Franck Riester, Olivier Dussopt et Marc Fesneau le 8 mars 2023 à Paris - Ludovic MARIN / AFP

Malgré une mobilisation jugée "historique" par l'intersyndicale ce mardi, l'exécutif affiche une relative sérénité. Les grèves reconductibles ne suscitent officiellement pas d'inquiétude. Renaissance a pourtant mis la pression à ses députés pour s'assurer de leur vote quand le texte reviendra à l'Assemblée.

Comme un air de soulagement dans les rangs de la macronie. Si les syndicats appelaient ce mardi à une "France à l'arrêt", l'ampleur du mouvement, certes très important avec 3,5 millions de manifestants en France selon la CGT et 1,28 selon le ministère de l'Intérieur, n'a pas bloqué l'économie.

"Il y a eu une réelle mobilisation (...) mais la France n'a pas été complètement à l'arrêt", a jugé Gabriel Attal, le ministre délégué au Budget ce mercredi sur BFMTV.

Banalisation de la grève

Très loin donc de la stratégie de la dramatisation choisie par l'exécutif ces derniers jours qui avait haussé le ton face aux appels des centrales à un "mardi noir". Olivier Véran avait ainsi avancé la semaine dernière que des grèves massives reviendraient à "prendre le risque d'une catastrophe écologique, agricole, sanitaire".

C'est peut-être Olivier Dussopt qui avait le mieux résumé l'esprit gouvernemental à la veille de la mobilisation. "Il ne faut pas crier avant d’avoir mal", avait indiqué le ministre du Travail lundi soir sur France info.

Le lendemain, en pleine journée de grève, l'exécutif a même joué la carte de la banalisation. De retour de sa tournée africaine, le président a planché avec Élisabeth Borne sur le plan urbain à destination des banlieues, Quartiers 2030. Très loin donc des retraites.

"En gros, on fait le dos rond"

L'intersyndicale est pourtant loin d'avoir dit son dernier mot. Elle a déjà appelé à deux journées de mobilisation le 11 mars et le 14 ou le 15 mars prochain et demandé à être reçue par Emmanuel Macron de toute "urgence". Les blocages pourraient également se poursuivre dans des secteurs stratégiques par le biais de grèves reconductibles.

Les expéditions de carburants sont par exemple toujours bloquées ce mercredi matin à la sortie des raffineries françaises. L'ensemble des stockages de gaz avec du personnel sont également à l'arrêt.

À ce stade, les gazoducs qui permettent d'approvisionner les clients restent cependant ouverts. Quant aux grévistes d'EDF, ils ont pris en main une partie des centrales nucléaires, thermiques et hydroélectriques en France et réussi à retirer jusqu'à 11.000 mégawatts du réseau électrique, ce qui est très élevé et largement supérieur aux journées de grèves précédentes.

"Il y a toujours des mobilisations très importantes mais on est bien obligé de constater que la liberté de se déplacer et de travailler a été respectée et manifestement devrait continuer à l'être", nous explique Guillaume Karasbian, le président de la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale.

"En gros, on fait le dos rond en attendant que ça passe", résume encore un cadre du parti.

Un climat électrique

Dans les rangs de la macronie, on souligne ainsi l'amélioration dans les transports est une bonne nouvelle. Un train sur trois est prévu mercredi à la SNCF, soit mieux que les 20% de mardi.

La grève continuera jeudi et au moins vendredi mais le trafic s'améliorera, a indiqué le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, sur LCI mercredi. Tous les syndicats de la compagnie publique ont appelé à une grève reconductible.

La journée de mardi a pourtant été très compliquée pour le gouvernement, entre des coupures d'électricité à Annonay, le fief d'Olivier Dussopt et les bras d'honneur à l'Assemblée nationale d'Éric Dupond-Moretti.

Sérénité grâce au Sénat

Si le ministre de la Justice intervenait sur une proposition de loi sur l'inéligibilité des auteurs de violences conjugales, ces gestes ont pris pour la gauche l'allure d'un gouvernement au bord de la crise de nerfs, après des débats parfois chaotiques sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale.

"Ce qui fait monter autant la pression, c'est que certains ne veulent pas que les revendications qui s'expriment légitimement dans la rue puissent être débattues au Parlement", avance ainsi Prisca Thevenot, députée et porte-parole de Renaissance à l'Assemblée nationale.

Le gouvernement affiche cependant une relative sérénité depuis l'arrivée de la réforme des retraites au Sénat la semaine dernière. La chambre haute, à majorité de droite, est très favorable à la retraite à 64 ans, déjà adoptée à plusieurs reprises lors de débats sur le budget de la sécurité sociale.

Pression sur les députés récalcitrants

Preuve de la volonté des sénateurs de faire voter le projet de loi : Gérard Larcher a activé dans la nuit de mardi à mercredi l'article 38 du règlement interne au Palais du Luxembourg pour accélérer les discussions et parvenir rapidement au vote de l'article 7 sur le recul de l'âge de départ.

La réforme devra cependant revenir à l'Assemblée nationale, une fois que la commission mixte paritaire, l'organe qui réunit des sénateurs et des députés, se sera mise d'accord sur une version commune. Avec un recours très probable au 49.3, faute de majorité pour l'adopter.

Preuve de la relative inquiétude qui règne d'ailleurs à l'Assemblée nationale : le bureau du groupe a acté que tout député qui voterait contre, s’abstiendrait ou ne voterait pas la réforme des retraites serait exclu de la majorité. Un député proche d'Aurore Bergé évoque "une procédure classique qui rappelle les engagements du président pendant la campagne présidentielle".

"Je ne suis pas très fan de ce genre de message parce que ça donne l'impression qu'on n'arrive pas à convaincre nos propres troupes", regrette un cadre de la majorité.

Le soulagement n'est pas encore totalement de mise au sein de la macronie.

Article original publié sur BFMTV.com

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