Retraites: Charles de Courson, "le moine soldat" de l'Assemblée qui veut faire tomber le gouvernement

Charles de Courson à l'Assemblée nationale le 16 février 2023 - Ludovic MARIN / AFP
Charles de Courson à l'Assemblée nationale le 16 février 2023 - Ludovic MARIN / AFP

Méconnu mais très estimé de ses collègues. Le député Charles de Courson a fait sensation ces derniers jours en annonçant le lancement d'une motion de censure transpartisane avec l'espoir de faire tomber Élisabeth Borne sur la réforme des retraites.

Surnommé le "moine des finances publiques" par plusieurs de ses collègues, il a été élu pour la première fois à l'Assemblée nationale il y a 3 décennies. Une rareté dans un hémicycle profondément remanié ces dernières années, son parcours coche toutes les cases du cursus honorum.

"Goût des autres"

Issu d'une famille de parlementaires depuis plus de 2 siècles - son père a été résistant et son grand-père a fait partie des 80 députés à refuser d'accorder les plein pouvoirs au Maréchal Pétain", avant de mourir en camp de concentration - le centriste de 70 ans a consacré sa vie à l'orthodoxie budgétaire.

Passé par l’Essec et l’Ena, ce haut fonctionnaire, qui a commencé sa carrière à la Cour des comptes en 1983, n'a jamais hésité sur son destin.

"J'ai toujours eu le goût des autres, ce qui explique mon début de carrière comme fonctionnaire, avant de finalement bifurquer vers la politique", nous expliquait-il pendant le quinquennat de François Hollande.

Avant d'ajouter: "la vie n'est qu'une conjonction de goût et d'opportunités".

Élu en 1993 "sans aucun mérite"

La sienne se décide entre 1986, quand il rejoint le cabinet d'Alain Madelin, alors ministre de l'Industrie. L'un de ses collègues à la Cour des comptes avait remarqué le jeune homme, alors maire d'une petite commune de la Marne, et grand fan de Raymond Barre.

Parmi ses faits d'armes, celui d'avoir fait réduire de 15% le budget du ministère de la Défense, au grand dam des fonctionnaires d'alors. Charles de Courson arrive à l'Assemblée en 1993 en pleine vague de la droite sous l'étiquette UDF (l'ancêtre du Modem), après avoir échoué une première fois en 1988.

"Je n'ai eu aucun mérite, même un âne avec le bon logo sur l'affiche aurait été élu à ce moment-là", confiait-il dans les colonnes de la revue Charles en 2016.

Motion de censure contre de Villepin

Il ne quittera plus jamais l'hémicycle, dans lequel il affirme travailler plus de 100 heures par semaine et impose très vite son obsession: celle de la bonne gestion des deniers publics. C'est en 1996 qu'il se fait remarquer avec un amendement pour supprimer l'avantage fiscal des célibataires. Ce n'est que le tout premier d'une longue liste qui fait de lui la bête fiscale de Bercy depuis des années.

Très respecté sur tous les bancs de l'hémicycle, son étoile pâlit en 2006 après avoir voté la motion de censure de la gauche contre Dominique de Villepin.

"J'ai reçu les félicitations de Nicolas Sarkozy à l'époque", a-t-il confié quelques années plus tard.

Contrarier Nicolas Sarkozy

Quelques mois plus tard, le centriste écrit le programme de campagne de François Bayrou, avant d'appeler à voter blanc au second tour et de s'éloigner du Bérnais. Sans faire aucun cadeau au nouveau président quelques mois plus tard: il croise longuement le fer avec le gouvernement de François Fillon sur les modalités du bouclier fiscal dont le nouveau locaire de l'Élysée avait fait l'alpha et l'omega de sa politique.

En 2013, Charles de Courson passe le mur du son médiatique en devenant le président de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac et accuse François Hollande d'avoir été au courant de la situation fiscale de son ancien ministre. Avant de devenir en 2016 l'un des rares à la droite de l'hémicycle à s'opposer à la déchéance de nationalité après les attentats de Paris.

Tout en doutant parfois de sa propre utilité.

"Quand on voit le temps qu’on passe à travailler sur des projets de loi et ce qui est retenu à la fin dans le texte, on se dit parfois que cela fait beaucoup d’efforts pour un résultat mineur", nous expliquait-il en 2017.

"En dessous du Smic horaire"

En pleine vague macroniste, il fait partie des rares centristes à sauver sa peau, sans hésiter quelques semaines plus tôt à lancer un pavé dans la mare en réclamant la hausse de l'indemnité de parlementaire de 5600 euros net à 9000 euros net.

"À un dîner de mes camarades de promotion de l’ESSEC, on m’avait demandé combien je gagnais. Quand j’ai expliqué le montant de mon indemnité parlementaire, tous les convives ont éclaté de rire. Comme j’ai toujours ma fiche de paie avec moi, je leur montre. Ils étaient sidérés. Si je calcule ce que je gagne à l’heure travaillée, je suis en-dessous du Smic horaire".

Dans une Assemblée profondément renouvelée lors des deux dernières mandatures, Charles de Courson fait désormais figure d'ovni avec son style désuet et un mode de vie ascétique tournée uniquement vers la politique. "Je ne lui connais aucun loisir", nous confiait l'un de ses collaborateurs en 2018.

"Il faut des gens à poigne"

Ce qui ne l'empêche de rêver un peu. À l'été dernier lors de l'élection du président de la commission des finances, Charles de Courson s'en serait bien vu numéro 1, avant de finalement se retirer, pour éviter de se voir élire par les voix du RN. C'est finalement Éric Coquerel, le candidat LFI qui l'emporte. De quoi pousser Jean-Luc Mélenchon à décrocher son téléphone et à le remercier.

Un peu plus discret ces derniers années, le centriste a regagné des couleurs dans les médias lors des débats sur les retraites en exigeant la fin du régime de retraite présidentiel, qui prévoit une indemnité mensuelle de 6000 euros pour les anciens chefs de l'État.

Il a porté l'estocade ces derniers jours en annonçant le dépôt d'une motion de censure transpartisane contre Élisabeth Borne après avoir dégainé le 49.3 sur la réforme des retraites.

Baroud d'honneur

Charles de Courson n'est pourtant pas un adepte des coups d'éclat et de la stratégie de la tension à l'Assemblée nationale des insoumis.

"ll faut des gens à poigne qui disent: 'ça suffit, taisez-vous!' Il n’y a pas de démocratie sans ordre", a-t-il jugé dans les colonnes du Parisien à l'été dernier.

Mais finalement, Élisabeth Borne et son 49.3 ce jeudi après-midi ont eu raison de ses réticences à renverser la table. "Cela signe l'échec de ce gouvernement et un profond déni démocratique", a avancé le centriste sur BFMTV ce vendredi matin. Un dernier fait d'armes? Peut-être bien. "J’estime qu’on ne devrait plus pouvoir être député candidat à la députation ou au Sénat après 70 ans", nous expliquait le centriste en 2018.

Article original publié sur BFMTV.com