"Le retour de la Terreur", le texte de Philippe Val après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine

Un professeur a été assassiné par un terroriste. Il n'avait qu'une vie. Elle s'est arrêtée. C'est irréparable. Il va nous manquer et jamais il n'aura plus la sensation de l'amitié, de l'amour, de l'air qu'on respire, du soleil, du rire. Chacun d'entre nous gardera en lui le vertige de son absence, et ses proches garderont au cœur la cicatrice de sa perte. Aucun de ses élèves, y compris ceux qui l'ont dénoncé, ne pourra oublier l'image de leur professeur décapité. On ne peut imaginer ce qu'une vie assassinée produit de chagrins innombrables.

La plupart d'entre nous doivent à quelques profs la pose des premières pierres précieuses de notre ­construction personnelle. Ils sont nos premiers représentants auxquels on délègue l'autorité bienveillante de nous délivrer de l'ignorance, qui est la première des injustices et la plus sordide des aliénations. Face à sa classe, le professeur qui transmet des savoirs est dans une très ancienne situation philosophique : il tourne le dos à la mort et s'adresse à la vie. La transmission est la manière ­humaine de ­conjurer la ­condition de mortel, c'est elle qui rend possible la joie de vivre, l'enthousiasme et l'accueil, pour le meilleur et pour le pire d'une réalité toujours imprévisible. Les enseignants n'ont pas l'exclusivité de la transmission, mais ils ont choisi d'en faire leur métier et le sens de leur existence. Sans la priorité donnée à l'enseignement, inutile d'imaginer des sociétés pacifiques. Sans l'amour partagé des savoirs libr...


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