Les Restos du Cœur ne sont pas les seuls à être débordés par les demandes d’aides face à l’inflation

Inflation et afflux de nouvelles personnes : le Secours Populaire et l’Armée du Salut connaissent des situations similaires à celle des Restos du Cœur.
Inflation et afflux de nouvelles personnes : le Secours Populaire et l’Armée du Salut connaissent des situations similaires à celle des Restos du Cœur.

CONSOMMATION - Coluche n’aurait sûrement jamais imaginé ça. Les Restos du Cœur ont annoncé dimanche 3 septembre, par la voix de leur président Patrice Douret, qu’ils pourraient être contraints de refuser environ 150 000 personnes qui solliciteraient leur aide cet hiver.

Une situation critique qui découle de l’afflux massif de nouvelles personnes qui ont besoin de l’aide de l’association cette année, notamment à cause de l’inflation. Sur un an, selon l’estimation de l’INSEE, les prix à la consommation des produits alimentaires ont augmenté de 11,1 % en août 2023. Les Restos du Cœur ne sont d’ailleurs pas la seule association d’aide alimentaire en difficulté.

Contactés par Le HuffPost, Jean Stellittano, le secrétaire national du Secours Populaire, et Samuel Coppens, le porte-parole de l’Armée du Salut, assurent que leurs associations respectives peuvent pour l’instant tenir le coup et accueillir tout le monde. Mais leur situation est « comparable » à celle des Restos : des files d’attente toujours plus longues et des rayons toujours moins remplis.

Une hausse de 40 % de l’aide alimentaire distribuée

Pour expliquer la situation, Samuel Coppens remonte jusqu’à l’époque du Covid, où la « montée très forte des besoins » avait pu être gérée par la politique du « quoi qu’il en coûte » de l’État. Mais la situation des plus précaires ne s’est pas arrangée depuis. Au contraire, la pauvreté n’a cessé d’augmenter et les aides n’ont pas suivi.

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Des personnes qui n’avaient jamais eu besoin de demander de l’aide se retrouvent donc dans les files d’attente des banques alimentaires et autres distributions de repas : retraités avec une petite pension, étudiants, femmes seules avec des enfants, ou salariés précaires. L’Armée du Salut estime que la totalité de l’aide alimentaire distribuée a augmenté de 40 % par rapport aux années précédentes.

L’inflation a aussi un impact direct sur les associations. Celles-ci se fournissent en denrées alimentaires grâce à des dons - argent ou produits - de particuliers, d’entreprises ou de fondations. Mais aussi grâce aux aides européennes et à des achats qu’elles font elles-mêmes. Mais face à l’inflation, « la générosité du public a baissé et le prix des matières premières a augmenté », explique Samuel Coppens. D’autant plus que l’alimentaire n’est pas le seul coût des associations : à cela s’ajoutent le prix de l’essence ou les coûts de stockage.

Des paniers moins remplis

Les associations s’adaptent donc comme elles peuvent, en essayant de récolter davantage de fonds. « On sollicite beaucoup plus de collectes dans les supermarchés, on demande encore plus aux particuliers, on harcèle les entreprises », liste Jean Stellittano, le secrétaire national du Secours Populaires.

Les conséquences se font surtout sentir dans le panier des personnes dans le besoin. Faute de moyens, les associations achètent moins, parfois des produits de moins bonne qualité. « Au lieu de mettre six bouteilles de laits dans un panier, on va en mettre quatre pour pouvoir aider le plus de personnes possible », détaille Jean Stellittano.

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Les bénévoles sont eux aussi affectés par cette situation, selon le secrétaire national du Secours Populaire : « Ils donnent de leurs temps, ils sont en colère et frustrés. Par conséquent, la qualité de l’accueil se retrouve dégradée. »

Les associations tentent tant bien que mal d’amortir les coûts. En achetant « sur des circuits courts, sur le marché de Rungis, par exemple », explique Samuel Coppens. Mais aussi en « reconditionnant » des produits : « On fait de la compote avec des pommes qui ne sont pas forcément présentables. On est obligés de s’adapter. Peut-être qu’il nous faudra bientôt des bénévoles retraités de la grande distribution pour nous aider ? »

Des aides de l’État attendues

« Les comptes sont dans le rouge. Je ne vous cache pas que l’hiver va être rude », prévient Jean Stellittano. Pourtant, plusieurs associations avaient alerté l’État au sujet de cette situation dès le début de l’année. Il a fallu attendre le coup de gueule de Patrice Douret, le président des Restos du Cœur, pour voir le gouvernement débloquer une aide de 15 millions d’euros pour l’association fondée par Coluche.

Quid des aides européennes ? Insuffisantes et « calculées avec deux ans de décalage. Donc nous percevons des dotations sous dimensionnées », révèle le secrétaire national du Secours Populaire. Et « si les Restos du Cœur en arrivaient à refouler des personnes, que va-t-il se passer ? Ces personnes vont se reporter vers d’autres associations », affirme-t-il.

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Les associations espèrent donc une réponse globale face à cette situation et obtenir, elles aussi, des aides de la part du gouvernement. « On ne peut pas nourrir tout le monde. C’est le rôle de l’État d’accompagner les plus pauvres. On souhaite un vrai engagement », demande Jean Stellittano. Et pas seulement un énième « effet d’annonce ».

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