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Ressortie La Poursuite impitoyable : la conception laborieuse de ce chef-d'oeuvre d'Arthur Penn avec Marlon Brando

La Poursuite impitoyable de Arthur Penn

Avec Marlon Brando, Robert Redford, Jane Fonda...

De quoi ça parle ? Au Texas, le retour d’un évadé de prison dans sa ville natale déchaîne les passions. Le shérif se promet de trouver le fugitif avant que la foule ne s'en empare.


Angie Dickinson et Marlon Brando

Sorti en 1966, La Poursuite impitoyable est un film à la fois fort et engagé. Porté par un casting quatre étoiles (Marlon Brando, Robert Redford, Jane Fonda, Robert Duval, etc.), il constitue une peinture sombre et sans concession d'une Amérique corrompue, haineuse et raciste. Se situant entre le cinéma hollywoodien classique (dans le bon sens du terme) et ce que l'on qualifiera plus tard de "Nouvel Hollywood" (dont le cinéaste Arthur Penn fut une icône emblématique avec des titres comme Bonnie and Clyde), le long métrage comporte également plusieurs scènes très marquantes. Parmi elles, celle dans laquelle le personnage de Marlon Brando est passé à tabac de manière violente. 

Cela étant, en dépit de ses qualités évidentes, ce cinquième film réalisé par Arthur Penn a été une expérience particulièrement douloureuse pour lui, en raison de l'interventionnisme démesuré du producteur Sam Spiegel.

Ce dernier (à qui l'on doit plusieurs films rentrés dans l'histoire du cinéma comme Sur les quais, Le Pont de la rivière Kwaï ou Lawrence d'Arabie) acheta les droits de la pièce de Horton Foote dans les années 1950, avec pour intention de l'adapter sur grand écran. A l'origine, il voulait Marlon Brando (avec qui il avait collaboré sur Sur les quais) dans le rôle de Jason "Jake" Rogers et Marilyn Monroe dans celui de sa soeur Anna Reeves. Mais lorsque le projet entra en production, en 1965, Brando avait 41 ans et était trop âgé pour jouer ce personnage (et Monroe est décédée en 1962). C'est pour cette raison qu'il incarne finalement le shérif Calder (James Fox fut casté en Rogers). 


Robert Redford et Marlon Brando

D'emblée, Sam Spiegel imposa sa marque avec une volonté de fer, au point que ses relations avec Arthur Penn en pâtirent sérieusement. Il commença par effectuer de nombreux remaniements au script de base écrit par Lillian Hellman (cette dernière n'a pas été tenue au courant des changements opérés). Il a également fait en sorte que Robert Redford, alors relativement inconnu, joue le personnage de l'évadé de prison (ce qui s'est avéré être une bonne idée au final). Mais surtout, le producteur passa son temps à dicter sa propre vision des choses au metteur en scène, que ce soit pendant le tournage mais aussi durant toute la phase de post-production du long métrage.

Ainsi, Sam Spiegel engagea le directeur de la photographie Joseph LaShelle en remplacement du chef opérateur d'origine (le grand Robert Surtees, qui quitta le projet en raison d'une maladie), mais sans que Penn n'ait son mot à dire. La relation entre LaShelle et le cinéaste fut difficile. Le producteur refusa également à Penn le droit de monter lui-même le film et engagea des "monteurs professionnels" pour remanier l'ensemble. Au final, le rythme de l'oeuvre fut à l'opposé de celui voulu par le réalisateur, qui souhaitait un montage nettement plus nerveux, suggérant une forme d'hystérie qui collait parfaitement au projet de base.


Jane Fonda

Arthur Penn est sorti déprimé de cette expérience dans laquelle ses choix n'ont pas été entendus (il avait connu une situation similaire sur Le Train en 1964 où il avait été renvoyé du tournage par Burt Lancaster). Il se rattrapera toutefois avec son prochain film, Bonnie and Clyde, qui deviendra l'une des pépites les plus emblématiques du Nouvel Hollywood. Dans son ouvrage culte "Le Nouvel Hollywood", Peter Biskind note, au sujet de La Poursuite impitoyable, qu'il s'agit d'un exemple parfait montrant à quel point, dans le Hollywood des années 1950 et 1960, les producteurs tout-puissants ne laissaient que peu de place à la créativité des cinéastes : "Hollywood n'était surtout pas un endroit pour les intellectuels, quel que fût leur talent, Penn en avait fait l'expérience à ses dépends."