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"Une responsabilité plus grande pour notre propre sécurité et notre propre défense"

La crise des sous-marins entre la France et les Etats-Unis révèle une nouvelle fois les priorités géostratégiques pour Washington. Pour l’UE c’est un élément à prendre en compte dans l’élaboration de son partenariat transatlantique.

La décision du gouvernement australien de déchirer le contrat d'achat de sous-marins français en faveur d'un accord stratégique avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni a provoqué une crise de confiance entre les alliés historiques.

Pour les Français c'est une fin abrupte pour ce qui était présenté comme le "contrat du siècle". L’UE est aussi déçue, elle espérait que les mauvaises surprises de l'ère Trump étaient derrière eux.

Pour évoquer cette crise diplomatique Euronews a interrogé David O'Sullivan, expert en commerce international et ancien ambassadeur de l'Union européenne aux États-Unis, merci de répondre à nos questions

Euronews :

Les présidents Emmanuel Macron et Joe Biden se sont entretenus au téléphone et ont ensuite publié une déclaration commune. La crise est-elle terminée ?

David O'Sullivan :

Je pense que la crise immédiate est terminée. Avec un peu de chance, cet appel téléphonique a permis de réconcilier les deux parties. L'ambassadeur français va retourner à Washington, ce qui, je pense, est une bonne chose. Donc, de ce point de vue, oui. Mais d'un autre côté, je pense que les implications et les ramifications de cette crise vont continuer à avoir un impact dans les mois à venir.

Euronews :

Toute cette affaire a été présentée en France comme une manœuvre "anglo-saxonne" contre l'Europe continentale. N'est-ce pas un peu exagéré ?

David O'Sullivan :

Je pense que la France a parfaitement le droit de se sentir en colère parce que cela a été fait d'une manière extrêmement maladroite. Je ne vois pas cela comme une conspiration anglo-saxonne. Bien sûr, il est vrai qu'il s'agit d'une alliance anglo-saxonne des Etats-Unis, de l'Australie, du Royaume-Uni, mais (…) je ne pense pas que la France ait été délibérément visée, mais bien sûr, c'est elle qui avait le contrat original, qui a été abandonné en faveur de ce nouvel arrangement. Donc, oui, si j'étais français, je me serais senti particulièrement maltraité, en particulier par la manière dont cela a été fait, puisque Joe Biden s'est excusé exactement pour cela.

Euronews :

Les Français se sentent-ils humiliés parce qu’'ils ont été réduits à la portion congrue ?

David O'Sullivan :

Ce qui est frappant, c'est que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les Australiens n'ont pas souhaité engager la France comme partenaire dans ce genre d'exercice, pourtant c'est l'un des rares pays européens à avoir de véritables liens avec la région. Il y a des territoires français là-bas. Il y a des troupes sur place. Elles patrouillent régulièrement dans la région. La France est l'un des rares pays de l'Union européenne à disposer d'une capacité militaire sérieuse. Et paradoxalement, en ce qui concerne la Chine, la France s'est plutôt montrée plus ferme que, disons, l'Allemagne. J'aurais donc pensé que, pour toutes ces raisons, vous auriez voulu, d'une manière ou d'une autre, impliquer la France dans un exercice comme celui-ci plutôt que de l'exclure. Je pense donc que les Français sont en droit de se demander quelle était la logique derrière tout cela. Et je pense que de nombreux commentateurs, y compris aux Etats-Unis, se demandent qu'est-ce que l'on essaye de faire exactement.

Euronews :

Les autres Européens se sont rangés consciencieusement du côté de la France et c'est tout. Quelle est la leçon à en tirer pour l'Union ?

David O'Sullivan :

Je pense que la leçon pour l'Europe est celle que nous avons apprise depuis un certain temps, à savoir que les États-Unis sont notre allié le plus proche, que l'OTAN est cruciale, mais que les États-Unis changent. Leur préoccupation se focalise de plus en plus l'Indo-Pacifique. C'est l'Asie, c'est la Chine. Et nous devons le reconnaître en Europe. Et cela nous oblige à assumer une responsabilité plus grande pour notre propre sécurité et notre propre défense ce qui ne veut pas dire remettre en question l'OTAN ou l'alliance transatlantique, mais dire que nous devons faire plus.