Rentrée scolaire : adolescents et parents racontent la pression autour des marques à l’arrivée au collège

« C’est une sorte d’obligation qu’on s’impose pour être accepté », raconte Alice, qui confie s’être acheté des vêtements griffés très chers pour s’intégrer au lycée.
Frazao Studio Latino / Getty Images « C’est une sorte d’obligation qu’on s’impose pour être accepté », raconte Alice, qui confie s’être acheté des vêtements griffés très chers pour s’intégrer au lycée.

PARENTALITÉ - « Mon fils de 13 ans ne veut plus que des vêtements de marque, est-ce que c’est pareil chez vous ? », « Ma fille de 14 ans pense que des fringues de marques vont faire disparaître ses complexes », « Mes enfants veulent des marques mais avec mon salaire, c’est impossible. Comment leur expliquer ? » Sur les groupes de discussions de parents d’adolescents, ces questions sont omniprésentes.

« On a fait un enfant entre amis et ce n’était pas un choix par dépit »

Quiconque y est passé s’en souvient : à partir du collège, les vêtements deviennent un enjeu de taille pour les enfants. Entre la pression sociale, les moqueries à l’école et les questions financières, adolescents et parents naviguent comme ils peuvent. Deux ados et une mère ont raconté au HuffPost comment ils gèrent cette période.

Un budget vêtements qui explose

« Au collège, d’un seul coup, le budget vêtement explose », soupire Laetitia. Elle en sait quelque chose : mère de six enfants, elle a vécu pour chacun d’entre eux les changements que l’adolescence et l’arrivée au collège impliquent.

« Avec tous mes enfants, j’ai fait quelques années d’école à la maison et pendant cette période, ils n’en avaient rien à faire des vêtements, raconte-t-elle. Par contre, quand ils ont été scolarisés, dès le collège, j’ai bien vu la différence. Le budget vêtements a changé, et la question des marques est entrée en jeu. » Après des années à porter des vêtements chinés par leur mère en braderie ou sur Vinted, ses enfants se sont mis, chacun à leur tour, à réclamer des logos spécifiques sur leurs affaires. « Un sac à dos Eastpak, des baskets Nike ou Adidas. Les chaussures Décathlon, c’est même plus en rêve. »

Pour de nombreux parents, l’équilibre entre l’envie d’aider ses enfants à s’intégrer à l’école et les impératifs budgétaires peut être difficile à trouver. Laetitia a sa solution bien à elle : elle fait des sélections sur Vinted, et laisse ses enfants choisir les pièces qui leur conviennent. « Je cherche des prix bas et des affaires en très bon état, détaille-t-elle. Pour une paire de chaussures, mon budget maximum est de 20 euros : ça ne leur permet pas d’avoir les mêmes modèles que les autres, mais il faut faire avec. J’ai aussi envie de leur inculquer qu’il n’y a pas d’intérêt à dépenser autant d’argent dans des vêtements. »

« C’est une sorte d’obligation qu’on s’impose »

Les adolescents semblent bien conscients de leurs changements d’habitudes à l’arrivée dans le secondaire. Alice a 16 ans et en septembre, elle rentrera en première dans un lycée privé hors contrat du très huppé 15e arrondissement de Paris. « Il y a des tendances à l’école, souvent très éphémères et souvent tès chères, raconte l’adolescente. En ce moment, la mode, c’est des chaussures ou des vêtements de la marque Zadig & Voltaire, les sneakers Nike... »

Elle confie ressentir une pression « assez présente » autour de ça, qui encourage les élèves de son lycée à acheter des choses dont ils n’ont pas l’utilité. « On voit les mêmes modèles sur tout le monde, y compris sur les réseaux sociaux et ça nous pousse à avoir envie de les avoir », raconte la lycéenne. « C’est une sorte d’obligation qu’on s’impose pour être accepté. On y participe pour faire comme tout le monde, de toute façon, personne n’ose dire qu’il n’aime pas, on ne contredit pas l’intérêt de choses aussi populaires. » Une manière de s’intégrer qui a un prix. Dans le lycée d’Alice, les pièces phares sont chères : l’adolescente confie que ses parents lui ont déjà acheté des sweats griffés dont les prix atteignent plusieurs centaines d’euros.

Suivre les élèves les plus populaires

Son ami Romain fait sa scolarité de l’autre côté de Paris. Dans son lycée du 20e arrondissement, un quartier plus populaire, la mode est plutôt au streetwear. « En ce moment, si tu as un jean Carhartt ou un t-shirt Stüssy, tu es considéré comme quelqu’un qui s’habille bien. » Les prix des pantalons de la première marque tournent autour d’une centaine d’euros, tandis que le top en coton de la deuxième est vendu à minima 55 €. Lui n’en porte pas : « Tant que je suis bien dans mes habits, je m’en fiche un peu de savoir si c’est à la mode ou pas. »

Toutefois, il raconte discuter régulièrement de cette pression sociale avec ses amis. Ensemble, ils constatent souvent que le style vestimentaire des adolescents est un symbole d’appartenance. « Au sein des groupes d’amis, tout le monde s’habille un peu pareil. Il y a les gens en Carhartt-Stüssy, ceux qui ont le style “friperie” qui portent souvent des trucs vintage, ceux qui ont des styles plus originaux… » Avec, en plus, la cote de popularité de chacun : « De manière générale, si quelqu’un est un peu considéré comme cool ou populaire, tout le monde va le suivre », constate-t-il.

Se fondre dans la masse pour éviter le harcèlement

Si Romain estime ne pas avoir trop de mal refuser les tendance, pour d’autres, cette transgression peut avoir des conséquences violentes. Cela a été le cas pour le fils de Laetitia qui, avant son entrée au collège, s’habillait de manière très libre. « Il portait ce qu’il voulait : des jupes et des couettes sur ses cheveux longs, se souvient-elle. Mais à son arrivée au collège, les choses sont devenues plus difficiles, les ados sont très moqueurs. Au début, il a exprimé qu’il ne voulait pas changer “Sinon, ce sont eux qui gagnent”. »

Pourtant, après quelques semaines de cours, elle raconte que son fils a été forcé de se « fondre dans la masse ». En s’achetant des vêtements de marques, de préférence de couleur sombre, à l’opposé de ce qu’il aime porter. « Et même en ayant des baskets Nike, il se prend des réflexions parce que ce ne sont pas les mêmes modèles que les autres », soupire sa mère.

Face à cela, Laetitia essaie de soutenir son fils comme elle peut. « Ça me fend le cœur de le voir comme ça, constate-t-elle avec tristesse, mais ce n’est pas mon combat à mener. Je fais tout pour que la maison reste un espace de sécurité où il peut être lui-même, et je sais qu’il n’est pas dupe : un jour, ça passera et tout ce qu’il cache pour l’instant pourra ressortir. » Pour elle, il est capital d’inculquer à ses enfants la capacité à être indifférent au regard des autres. Un point sur lequel Romain se sent déjà assez libre, et sur lequel Alice confie travailler pour arrêter, petit à petit, de se sentir obligée de suivre les modes éphémères de son lycée. Heureusement, même l’adolescence finit par passer.

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