« Une rentrée lunaire » : la mise en place des groupes de niveau au collège relève du « bricolage », selon les syndicats
Aucune consigne claire n’a été donnée aux établissements pour la mise en place des groupes de niveau en 6e et 5e au collège en cette rentrée, s’agacent les syndicats, qui réclament toujours sa suppression.
ÉDUCATION - Une mise en place « avec pragmatisme et souplesse » des groupes de niveau en 6e et 5e au collège. C’est ce qu’a annoncé Nicole Belloubet lors de la conférence de presse de rentrée de l’Éducation nationale, suivant une feuille de route qui n’en était pas vraiment une, en raison du contexte politique inédit.
« J’ai souhaité que cette réforme soit mise en œuvre. Mais j’ai souhaité aussi qu’elle le soit avec pragmatisme et souplesse. Aux établissements et aux équipes d’agir pour atteindre les objectifs de la réforme », a exhorté la ministre de l’Éducation démissionnaire, ne donnant pas davantage d’indications sur cette mesure controversée, contre laquelle les syndicats sont vent debout depuis des mois.
Annoncés par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, les groupes de niveau, rebaptisés « groupes de besoins » par Nicole Belloubet, ont pour objectif de faire « progresser tous les élèves dans la maîtrise des savoirs fondamentaux en prenant mieux en compte leur diversité », a avancé la ministre. Dans l’idée, il s’agit de diviser les classes, en français et en mathématiques, en groupes, afin de faire progresser les élèves avec un enseignement plus personnalisé et plus adapté à l’hétérogénéité des niveaux. Les syndicats dénoncent eux un « tri social des élèves » et un non-sens pédagogique, et réclament depuis des mois sa suppression.
« Tout le monde se retrouve un peu à bricoler dans son coin »
Malgré les syndicats qui dénoncent un « passage en force » de la réforme, les groupes ont été maintenus pour cette rentrée 2024, pour les élèves de 6e et 5e et sont censés être appliqués aussi aux 4e et 3e en septembre 2025. Concrètement, sur le terrain, les chefs d’établissement ont donc la charge de mettre en place cette réforme. « On se retrouve dans une situation où il y aura autant de configurations de groupes que d’établissements. Tout le monde se retrouve un peu à bricoler dans son coin », constate Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, première organisation dans le second degré.
Alors, côté syndicats, on profite du flou autour de la réforme pour tenter de la contourner. « Nous avons passé la consigne à nos collègues d’agir localement pour ne pas appliquer les groupes de niveaux et d’appliquer d’autres types de groupes », explique la secrétaire générale.
Globalement, selon les syndicats interrogés, les établissements ont tenté de mettre en place les groupes requis par la réforme a minima. « La plupart ont choisi de faire des groupes hétérogènes, qui mélangent les classes mais où les élèves ne sont pas réunis selon les niveaux ou les besoins », note Maud Valegeas, cosecrétaire fédérale de Sud éducation. Les groupes ont été constitués selon les critères habituels utilisés pour composer les classes : mélanger les élèves ayant des problèmes de comportement, les bons élèves, les niveaux…
Une mesure « inapplicable »
La mise en application de la réforme pose plusieurs autres problèmes. Avec l’accent mis sur les groupes de maths et de français, d’autres matières n’ont plus de place dans l’emploi du temps pour fonctionner en demi-groupes, comme c’était le cas auparavant pour les sciences ou les langues, par exemple. « C’est une réforme qui, en plus de ne pas être efficace pédagogiquement, a été faite sans moyens », souligne Maud Valegeas.
Le recrutement des professeurs principaux - qui était déjà un problème - s’en retrouve aussi impacté. Sur quinze classes, Agnès Andersen, cheffe d’établissement et secrétaire générale d’Indépendance et Direction-FO, n’a réussi à recruter que huit professeurs principaux. Dans un certain nombre de cas, les profs de français et de mathématiques, qui sont souvent professeurs principaux, vont avoir des élèves qui viennent de plusieurs classes. Ce qui est incompatible avec le fait d’être professeur principal.
Pour les syndicats, cette mesure est un symbole de cette rentrée « lunaire, dans contexte très étrange et un temps un peu suspendu ». Ils espèrent qu’elle sera abrogée par le prochain gouvernement, au plus tard à la fin de l’année scolaire. « Le choc des savoirs qui va s’appliquer à la rentrée n’est pas le choc des savoirs qui était voulu par Gabriel Attal, se félicite Sophie Vénétitay. Maintenant, il faut simplement revenir à l’essentiel : diminuer les effectifs dans les classes. »
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