Rentrée des classes : ces élèves en situation de handicap n’ont toujours pas droit à une scolarité adaptée

En cette rentrée 2024, des milliers d’enfants en situation de handicap se retrouvent sans prise en charge éducative qui réponde à leurs besoins spécifiques.
hoozone / Getty Images En cette rentrée 2024, des milliers d’enfants en situation de handicap se retrouvent sans prise en charge éducative qui réponde à leurs besoins spécifiques.

INCLUSION - « J’ai contacté Monsieur Macron, les ministres de l’Éducation, de la Santé, du Handicap… Tom est placé prioritaire en IME (institut médico-éducatif, ndlr) sauf que dans le Pas-de-Calais, vous avez 28 places pour enfants autistes de six à vingt ans. » Ce lundi 2 septembre, alors que des milliers d’élèves font leur rentrée, Tom, sept ans et demi, ne poursuivra pas sa scolarité en CP.

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Après un cursus de maternelle classique qu’il a mené accompagné d’une AESH (accompagnante d’élèves en situation de handicap), le petit garçon, diagnostiqué autiste sévère à l’âge de trois ans, est pour la première fois sans solution de scolarité. « Ce cursus en école ordinaire n’a pas été bénéfique pour Tom parce qu’il a un très gros retard sur les autres enfants, justifie Vanessa, sa mère. À partir de lundi, il n’ira donc plus à l’école jusqu’à ce qu’on lui trouve une place en IME. »

945 témoignages de parents désemparés

En théorie, plusieurs solutions existent pour que les élèves en situation de handicap puissent bénéficier, comme tous les autres enfants, d’un accès à l’école dans de bonnes conditions. Qu’ils soient intégrés dans une école « ordinaire » et profitent d’aménagements et de l’aide d’une AESH, ou qu’ils suivent leur scolarité en institut spécialisé.

Dans les faits, pourtant, de nombreux enfants se retrouvent sans solution adaptée pour suivre sereinement leur scolarité, comme le rappelle l’UNAPEI, premier réseau français d’associations de défense des personnes touchées par un handicap intellectuel. Dans un communiqué publié le 26 août, l’association met en garde contre les « difficultés persistantes » auxquelles font face les élèves en situation de handicap. Son site marentrée.org rassemble 945 témoignages de parents désemparés, car sans solution d’apprentissage adaptée aux besoins de leur enfant.

« Plus on les éloigne de l’école, plus leurs chances de grandir correctement et d’apprendre s’amenuisent », avertit Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’UNAPEI. Une crainte que partage Vanessa. « Cette déscolarisation va avoir un impact sur le développement de Tom, tous les efforts qu’on fait depuis des années risquent de disparaître. »

Des milliers d’élèves mal pris en charge

La déscolarisation n’est pas la seule menace qui pèse sur les enfants en situation de handicap. Une scolarisation inadaptée aussi. Mehmet-Ali, dix ans, a bien retrouvé le chemin de son école, située à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), accompagné de son AESH pour quatre matinées d’enseignement par semaine. Mais cette solution est tout sauf adaptée à sa situation. « Mehmet-Ali a un âge mental estimé à dix mois. Il entre cette année en CE2 dans une classe ordinaire, en compagnie d’élèves valides et ne présentant aucun retard de développement. Cette situation est très préoccupante », s’inquiète Dogukan, le cousin et voisin du petit garçon.

Depuis quatre ans, il aide dans leurs démarches administratives les parents de Mehmet-Ali, qui ne parlent pas français. Quatre années à se démener, pour qu’au final aucune solution adéquate ne leur soit offerte. « Son enseignante dit elle-même que sa classe n’est pas adaptée. Mehmet-Ali pleure, fait des crises de panique car il ne comprend pas ce qui se passe… On est complètement démunis. »

« De nombreux élèves sont scolarisés à temps partiel, voire très partiel, et ne bénéficient pas de l’accompagnement nécessaire, nous confirme Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’UNAPEI. On parle de 400 000 à 470 000 élèves en situation de handicap scolarisés. Mais combien sont vraiment à la bonne place ? Est-ce qu’un élève qui bénéficie de cinq heures à l’école est considéré comme étant correctement scolarisé ? »

Mehmet-Ali s’est pourtant vu attribuer en septembre 2020 une place en IME par la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées).  « Nous avons envoyé des dossiers à 19 IME dans le Val-d’Oise. Il n’est à ce jour sur liste d’attente que dans quatre établissements. Les autres IME n’avaient soit pas de place, soit étaient trop éloignés de son domicile pour que la navette fasse le déplacement », soupire Dogukan.

« Mon combat, c’est que l’État se bouge pour nos enfants »

Que faire, alors, pour garantir le droit à l’école à tous les élèves et ce, quels que soient leurs besoins d’accompagnement ? Pour Sonia Ahehehinnou, malgré des progrès indéniables en matière d’accueil, les pistes d’amélioration sont nombreuses. Il y a, en premier lieu, la formation de professionnels, « pour qu’ils puissent adapter leur pédagogie et leur fonctionnement », mais aussi l’allocation de « tous les moyens nécessaires, qu’ils soient humains, financiers, structurels, organisationnels en qualité et en quantité ».

Cela signifie évidemment augmenter le nombre d’AESH, mais aussi de places dans des dispositifs spécialisés pour les enfants comme Tom et Mehmet-Ali. « C’est ça qu’on demande à l’État, rappelle Sonia Ahehehinnou : de garantir et de s’assurer que l’école puisse offrir tout ce dont un élève a besoin, quel qu’il soit. Cela tient aussi à une bonne coopération, une bonne collaboration de tout le système éducatif. »

Une expérimentation a bien été lancée dans quatre départements (Aisne, Côte-d’Or, Eure-et-Loir, Var) : les « pôles d’appui à la scolarité ». Voués à être généralisés en cas de succès, ils doivent permettre à un professeur référent et à un éducateur spécialisé de proposer des aménagements pédagogiques adaptés, sans attendre l’aval de la Maison départementale pour les personnes handicapées.

Une initiative beaucoup trop vague, pour les familles de Tom et Mehmet-Ali, qui attendent une solution concrète pour leur enfant. Vanessa, elle, mise beaucoup sur le « Plan des 50 000 solutions ». Annoncé en mars 2023 par Emmanuel Macron, il promet de débloquer 400 millions d’euros d’ici 2030 pour l’accompagnement des enfants en situation de handicap. « Cela permettra d’agrandir l’IME à côté de chez nous et de garantir une place à Tom. J’espère que ce n’est pas qu’une promesse. Mon combat, c’est que l’État se bouge pour nos enfants », martèle Vanessa. Quant à Dogukan, il souhaite lui aussi une place en IME pour Mehmet-Ali, mais sans grand espoir. « Le plus dur ce n’est pas d’être autiste, c’est d’être autiste en France. »

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