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"Reniements" de Le Pen, "le traître" Ménard: Zemmour juge la classe politique dans son nouveau livre

Le polémiste français d'extrême-droite Eric Zemmour lors d'un discours à Paris le 4 décembre 2022 - Alain JOCARD © 2019 AFP
Le polémiste français d'extrême-droite Eric Zemmour lors d'un discours à Paris le 4 décembre 2022 - Alain JOCARD © 2019 AFP

La France n'a pas dit son dernier mot. C'est du moins ce que professait le précédent ouvrage d'Éric Zemmour, dont il a vendu 250.000 exemplaires depuis sa parution en septembre 2021. Le nouveau livre que l'homme politique et intellectuel d'extrême droite s'apprête à publier ce jeudi s'intitule cette fois: Je n'ai pas dit mon dernier mot.

Il faut dire qu'entre ces deux sorties en librairies le pays a bien fait défaut à l'ex-chroniqueur, qui n'a récolté que 7,07% des suffrages à une présidentielle 2022 dont il espérait voir le second tour.

C'est justement sur cette aventure électorale que le fondateur de Reconquête revient à l'occasion de ce nouvel essai, dont Le Figaro a diffusé lundi les premiers extraits. Éric Zemmour y évoque les facteurs de son entrée en campagne, ses relations avec la droite traditionnelle... et dit le fond de sa pensée sur certains de ses voisins à l'extrême droite.

• La "multitude" de petits événements qui l'ont poussé

Au moment d'expliquer sa décision de se lancer dans l'arène politique, après avoir passé les quarante années précédentes à la commenter depuis la tribune, Éric Zemmour assure:

"Il n'y eut pas d'événement fondateur. Mais plutôt, il y en eut une multitude. Petit à petit, la décision s'est imposée. Je me suis progressivement mis dans l'impossibilité de reculer".

Il signale toutefois une anecdote intime. "L'apostrophe sur le ton de l'évidence de mon fils: 'Papa, le constat, tu l'as fait, il faut maintenant passer à l'action'", écrit-il.

Il rappelle encore son éviction de la télévision, du Figaro, puis l'impasse de son éditeur Albin Michel sur le livre qu'il devait alors publier, les listant comme autant de catalyseurs de son changement de carrière. "On me jetait dans le vide mais on me reprochait de sauter", commente-t-il.

• Robert Ménard, "le Judas de Béziers"

Mais ses commentaires les plus mordants, Éric Zemmour les réserve à sa famille politique élargie. À commencer par le maire de Béziers, Robert Ménard, élu dans sa ville avec le soutien de l'extrême droite, mais qui a multiplié les ouvertures envers Emmanuel Macron ces derniers mois. Et qui a égratigné Éric Zemmour durant la présidentielle, ce qui n'a pas échappé à celui-ci.

"Robert Ménard a joué dans cette campagne un rôle bien supérieur à son véritable poids politique; il a donné une crédibilité à toutes les accusations, même les plus outrancières, lancées à mon encontre", lance Éric Zemmour.

Et d'ajouter: "Il fut la révélation de l'alliance entre Marine Le Pen et le 'système médiatique' pour me montrer du doigt. J'étais le problème: ma personnalité, mon caractère, ma brutalité, ma prétendue misogynie, ma supposée insensibilité, etc., et non les idées que je défendais que partagent tant de Français."

Cette descente en flammes prend bientôt des accents d'amitié déçue. "Ménard est un oxymore sur pattes. C'est un bon client des médias, puisqu'il accomplit lui-même le chemin que ceux-ci veulent lui faire parcourir", persiffle Éric Zemmour qui ajoute même:

"Robert Ménard incarna ainsi la figure pure et parfaite du traître, celle qu'on trouve tout au long de l'histoire de France, du connétable de Bourbon à Talleyrand en passant par l'évêque Cauchon."

D'humeur christique, l'ex-candidat fait encore de Robert Ménard "le Judas de Béziers, sans qu'on évalue précisément les trente deniers qu'il escomptait". "La réélection de son épouse à son siège de députée grâce au soutien du Rassemblement national? Ou, au vu de ses propos dithyrambiques à l'égard d'Emmanuel Macron, son rêve de devenir ministre?", suggère-t-il sans trancher.

• Mépris et main tendue: le message d'Éric Zemmour à Marine Le Pen

Éric Zemmour a beau préciser avoir "longtemps trouvé Marine Le Pen sympathique", il n'en est que plus féroce à son endroit. Non sans condescendance, il commence pourtant par désigner ses qualités à ses yeux.

"Son sourire engageant, ses manières rustiques de garçon manqué qui contrastaient avec sa douce blondeur; son coup de fourchette vigoureux et son goût jamais démenti pour les apéros copieusement célébrés; sa voix rauque de fumeuse qui entonnait sans se faire prier les chansons de Dalida...", célèbre-t-il, avant de conclure:

"Tout dessinait pour moi le portrait de la 'bonne copine' enjouée et chaleureuse."

Il n'hésite d'ailleurs pas à raviver d'ancien quolibets, l'air de rien: "Les catholiques rigoristes au sein du Front national l'avaient affublée du surnom de 'night-clubeuse', en souvenir de sa jeunesse, elle qui fréquentait davantage les boîtes de nuit que les bibliothèques".

L'attendrissement d'Éric Zemmour pour la députée élue dans le Pas-de-Calais n'ira pas plus loin. Il ne s'en cache pas: pour lui, la fille ne vaut pas le père, du moins pas par sa conversation.

"Lorsque j'étais journaliste, je pouvais avoir avec son père de longues conversations sur l'histoire de France, de Gaulle, la guerre d'Algérie, ou encore la gloire de l'Empereur et les fautes de nos rois. Avec lui, la discussion roulait sur les grandes batailles que nous refaisions ou sur les livres que nous avions aimés tous deux. Avec Marine, nous étions comme deux ensembles mathématiques sans intersection", lâche-t-il.

Éric Zemmour dessine ensuite le portrait d'une Marine Le Pen "prête à tout" pour échapper à la "marginalisation", et notamment à "tous les reniements, toutes les apostasies". "Cela explique aussi que Marine Le Pen ait mis tant d'énergie à reproduire contre moi ce qu'elle avait elle-même subi toute sa vie", se chagrine-t-il.

L'auteur du Suicide français tente d'exhumer les racines de cette incompréhension: "Elle ne se soucie pas des idées; à ses yeux, tous ceux qui aiment leur maniement ne sont que des idéologues. Elle habille des oripeaux du pragmatisme son mépris des concepts et de la culture".

Lui qui a souvent eu la dent dure à l'égard de Marine Le Pen estime que l'adversité que lui oppose cette dernière "légitime ainsi le combat de nos adversaires communs". Un regret qui ressemble presque à une main tendue.

• Rendez-vous manqué avec Laurent Wauquiez

Un tout autre pesonnage politique lui aurait justement proposé une alliance: le président Les Républicains du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. C'est en tout cas ce que raconte Eric Zemmour. "Toujours pressé, toujours impatient, l'œil rivé sur sa montre, il va droit au but et sans préambule: 'Si tu y vas, tu auras besoin d'un type comme moi. Si j'y vais, j'aurai besoin d'un type comme toi'", cite ainsi l'ancien candidat.

L'affaire ne se fera pas. "Il a beau se dire très intéressé par l'attelage, je devine dans son regard qu'il ne peut s'empêcher de me voir comme un rival", se souvient Éric Zemmour qui dépeint ainsi son ami: "Laurent Wauquiez est un curieux mélange de brutalité et de cautèle, de précipitation et de précaution, d'audace et de pusillanimité."

Je n'ai pas dit mon dernier mot paraîtra, comme le précédent, dans la maison d'édition qu'Éric Zemmour a lancée après sa rupture avec Albin Michel. Une entreprise baptisée Rubempré, d'après le héros bazacien des Illusions perdues. Tout un symbole après cet échec en politique et la litanie des déceptions.

Article original publié sur BFMTV.com