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Les syndicats de la SNCF sur leurs gardes

Edouard Philippe et Elisabeth Borne ont entamé lundi une série de rencontres avec les dirigeants et les organisations syndicales de la SNCF pour débattre des conclusions du rapport Spinetta avant une réforme en forme de "big bang". /Photo prise el 15 février 2018/REUTERS/Regis Duvignau

PARIS (Reuters) - Les syndicats de la SNCF, échaudés par le "big bang" prôné dans un rapport remis la semaine dernière, ont abordé lundi avec la plus grande méfiance le cycle de consultation ouvert par le gouvernement, au-dessus duquel plane la menace d'un vaste mouvement social comme il n'en a pas encore connu.

L'exécutif, qui a pris connaissance jeudi des propositions de Jean-Cyril Spinetta, n'a rien dit de ses intentions précises, si ce n'est qu'il souhaitait réformer l'entreprise publique, confrontée au double défi de la dette - 46 milliards d'euros - et de l'ouverture à la concurrence dans le cadre européen.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, dévoilera lundi prochain le calendrier et la méthode retenus.

Pour l'heure, seules la puissante CGT-Cheminots et Force ouvrière ont appelé les salariés à se mobiliser le 22 mars, une date qui coïncide avec une journée d'action dans la fonction publique.

Les rencontres entre la ministre des Transports, Elisabeth Borne, et les représentants syndicaux se sont résumées à un échange de points de vue, sans annonce de part et d'autre.

Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT-Cheminots, a ainsi énuméré les points sensibles à ses yeux contenus dans le rapport Spinetta, comme la suppression possible de milliers de kilomètres de petites lignes, l'extinction du statut des cheminots ou le changement d'appellation juridique de la SNCF.

"Nous saurons aussi (...), si nous voyons que les choses ne changent pas, être capables de montrer les muscles et de faire réagir le rapport de forces", a-t-il prévenu à la sortie.

Mais, a-t-il ajouté, "on n'en est pas là."

"LA BATAILLE N'EST PAS GAGNÉE"

Les organisations syndicales se sont donné rendez-vous jeudi soir pour faire le point sur les réactions possibles.

"Nous restons sur nos gardes" après la remise d'un rapport qui "taille dans le vif", a dit a Reuters Roger Dillenseger, secrétaire général de L'Unsa ferroviaire.

Pour Bruno Poncet, de SUD-Rail, le pouvoir prend le risque "d'agréger tous les mécontentements" - ceux des employés de la SNCF, de la santé ou du monde de l'éducation.

"La bataille n'est pas gagnée d'avance pour le gouvernement", a pour sa part déclaré le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Laurent Brun, sur franceinfo, appelant à l'unité des syndicats de cheminots.

Elisabeth Borne "propose de pousser plus loin les solutions qui sont mises en oeuvre depuis 15 ans et qui sont une catastrophe : suppression de l'emploi puisqu'on nous annonce un nouveau plan social avec des départs volontaires, suppressions des lignes, etc.", a-t-il ajouté.

Après les syndicats, le gouvernement prévoit de prendre le pouls des régions et des usagers dans le courant de la semaine.

Les présidents du directoire et du conseil de surveillance de l'entreprise ferroviaire, Guillaume Pepy et Frédéric Saint-Geours, n'ont voulu faire aucun commentaire après avoir vu le Premier ministre et la ministre des Transports lundi, tout comme le PDG de SNCF Réseau, Patrick Jeantet.

MISE EN CONCURRENCE

Dans son rapport, l'ancien PDG d'Air France Jean-Cyril Spinetta fait 43 recommandations pour l'avenir du transport ferroviaire.

Il suggère d'examiner la pertinence de maintenir des lignes peu utilisées, d'envisager de ne plus embaucher sous le statut de cheminot et d'enrayer l'expansion des lignes TGV.

Il recommande aussi d'autoriser la SNCF à recourir à des plans de départs volontaires, qui pourraient concerner 5.000 personnes.

Concernant l'épineuse question de la mise en concurrence, qui doit commencer en 2019 et s'achever au plus tard en 2023 pour les lignes subventionnées, selon un accord conclu au niveau européen, le rapport se penche sur la délicate question du transfert des personnels vers les nouveaux opérateurs.

Pour donner de l'air à SNCF Réseau, il recommande de transférer à l'Etat une partie de sa dette.

Les arbitrages du gouvernement doivent être en partie intégrés au projet de loi mobilités, prévu pour avril, qui comportera d'autres chapitres tout aussi lourds comme les grands projets d'infrastructure.

Emmanuel Macron avait suscité l'émoi des syndicats de la SNCF l'été dernier en appelant l'entreprise à "se réinventer" en échange d'une reprise de sa dette et en confirmant vouloir mettre fin à son régime spécial de retraite.

(Jean-Baptiste Vey et Simon Carraud, avec Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)