En rencontrant Viktor Orban à son tour, Marine Le Pen veut affirmer sa stature face à Éric Zemmour

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National (RN) et candidate à la présidentielle, lors d'une conférence de presse, le 23 septembre 2021 à Metz. - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN © 2019 AFP
Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National (RN) et candidate à la présidentielle, lors d'une conférence de presse, le 23 septembre 2021 à Metz. - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN © 2019 AFP

Après Éric Zemmour, Marine Le Pen s'apprête à rencontrer Viktor Orban. La candidate du Rassemblement national (RN) sera accueillie ce mardi par le dirigeant ultraconservateur hongrois, un mois après la venue de son désormais rival à l'extrême droite, qui la talonne dans les sondages sans être officiellement candidat. Cette rencontre officielle est une première pour la prétendante à l’Élysée, qui enchaîne après son entretien avec le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki vendredi dernier. Des rendez-vous internationaux qui répondent à une stratégie très précise:

"Pour contrer Éric Zemmour à six mois du scrutin, elle doit se présidentialiser et rencontrer des dirigeants étrangers", analyse auprès de BFMTV.com Christophe Bourseiller, écrivain et historien, spécialiste des partis extrêmes.

Budapest est le nouveau rendez-vous phare de l'extrême droite française, où le défi consiste à s'attirer le plus d'attentions de la part de Viktor Orban. Mission réussie pour Marine Le Pen, qui aura notamment droit à un entretien dans le bureau du dirigeant hongrois et une conférence de presse commune.

Le polémiste d'extrême droite s’était lui contenté d’un entretien privé au moment du "sommet de la démographie" tenu les 23 et 24 septembre dans la capitale magyare. Tout comme Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen, également présente à cette occasion. De facto, celle qui brigue la présidence de la République pour la troisième fois "se prévaut d’un soutien peut-être plus net", juge Christophe Bourseiller. "Une façon de dire: 'Moi aussi j’occupe le terrain et de façon encore plus brillante.'"

"Soit vous êtes reçus à l’Élysée, soit vous allez au cinéma"

Preuve en est, du côté du RN, on soutient que la rencontre n’est "pas de même nature". "Ils [Eric Zemmour et Marion Maréchal, NDLR] sont venus en septembre à un colloque sur la démographie", raille le député européen Philippe Olivier. "Marine [Le Pen] y va dans le cadre d'une visite de chef d’État, ce n'est pas pareil. Soit vous êtes reçus à l’Élysée, soit vous allez au cinéma", se targue-t-il. Avant de moquer le polémiste et ancien journaliste "reçu dans la bibliothèque comme un écrivain" en Hongrie.

"On construit un projet en Europe", insiste le soutien de la figure du RN, qui tient à souligner que sa cheffe de file sera invitée dans un "cadre extrêmement solennel et valorisant d'un point de vue diplomatique". D’ailleurs, croit-il savoir, cette visite aurait été organisée "sur proposition d’Orban" dès juillet dernier. Soit des semaines avant que l'hypothèse d'une candidature d'Éric Zemmour ne prenne de l'ampleur.

Elle fait suite à la publication d’une “déclaration commune” entre la candidate du RN et une quinzaine d’alliés en Europe, dont le Fidesz hongrois et le PiS polonais. L’objectif: créer un large groupe souverainiste, pour "réformer l’Europe". Soit incarner une contre-vision au projet européen d’Emmanuel Macron.

De quoi renforcer, aussi, l'image présidentiable de Marine Le Pen. Une hypothèse de plus en plus mise à mal, depuis que l'hypothèse d'un duel Macron-Le Pen en 2022 a pris du plomb dans l'aile, avec la montée fulugrante d'Éric Zemmour dans les sondages.

Changement de ton

En 2019, Viktor Orban refusait pourtant de s'afficher avec Marine Le Pen. Dans un entretien accordé à l'écrivain Bernard-Henri Lévy pour la revue américaine The Atlantic, l’eurosceptique expliquait qu’il ne ferait "pas alliance" avec la fille de Jean-Marie Le Pen, soulignant qu'elle "n'est pas au pouvoir". Elle lui faisait déjà des appels du pied en vue d’une union des droites conservatrices.

Le vent a tourné depuis, en faveur de la candidate du RN, qui compte bien en profiter. Le parti de Viktor Orban a acté son divorce avec la formation de droite et du centre, le PPE (Parti populaire européen) en mars, le laissant isolé sur la scène européenne. Aucune alliance n'était avant possible avec le groupe Identité et Démocratie (ID), dont fait partie le RN.

En réalité, Éric Zemmour n’est jamais bien loin dans la stratégie de Marine Le Pen. La députée a "besoin de regonfler son image à elle, de dire à cet électorat tenté par Éric Zemmour que question autoritarisme, elle a aussi quelques galons”, explique à l’Agence France-Presse (AFP) l'historien et spécialiste de l’extrême droite Nicolas Lebourg. S'afficher avec le chef du gouvernement hongrois, connu pour sa politique anti-immigration très dure, peut l'aider à nourrir ce besoin.

"On est quand même un parti structuré au niveau européen (...) par rapport à Zemmour qui n'a ni parti, ni député", avance Philippe Ballard, ancien journaliste et désormais porte-parole du RN, auprès de BFMTV.com. Avant de regretter: "les affaires européennes, tout le monde s'en fiche, ça ne fera pas la une des journaux."

Mais tout point de différenciation est bon à prendre pour Marine Le Pen, qui durcit le ton depuis quelques jours face à son rival. Et ne compte pas retenir ses coups en terres hongroises. "Nous aussi on peut sortir les griffes, mais ce n'est pas nous qui avons commencé", ose Philippe Ballard.

Article original publié sur BFMTV.com