Ce rejet du budget 2025 par l’Assemblée n’est pas une si mauvaise nouvelle pour Michel Barnier

Michel Barnier, le 15 octobre 2024 à l’Assemblée nationale.
ALAIN JOCARD / AFP Michel Barnier, le 15 octobre 2024 à l’Assemblée nationale.

POLITIQUE - Fausse mauvaise nouvelle. L’adoption d’un projet de loi finance par l’Assemblée nationale est considérée comme une preuve de stabilité du gouvernement en place. Ce mardi 12 novembre, le rejet par les députés de la première partie du PLF 2025 devait donc sonner comme un camouflet pour le Premier ministre Michel Barnier. C’est tout le contraire.

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Avec 362 voix contre, la chambre basse a rejeté le volet « recettes » du budget 2025, consacré aux impôts et taxations. De façon contre-intuitive, ce sont les députés EPR et DR, censés soutenir Michel Barnier et son gouvernement qui ont enterré le texte, furieux de l’« overdose fiscale » selon le ministre du Budget Laurent Saint-Martin, induite par les divers amendements votés contre l’avis du gouvernement.

La loi organique relative aux finances publiques interdisant d’examiner la partie II (le volet « dépenses ») si la partie I sur les recettes n’est pas adoptée, c’est donc la fin de la partie à l’Assemblée nationale sur le budget. Le texte dans son ensemble va être directement transmis aux sénateurs du Palais du Luxembourg. Et Michel Barnier a beaucoup à y gagner.

Repartir d’une feuille blanche

Premier point en sa faveur : la possibilité pour le Premier ministre de faire table rase du travail des députés. Comme pour un 49.3, en cas de rejet d’une partie du PLF par la chambre basse, c’est le gouvernement qui décide de la version qui continuera la navette parlementaire.

À la poubelle donc les « victoires » obtenues par la gauche contre l’avis du gouvernement, sur la taxe sur les superprofits des très grandes entreprises ou les limites mises sur l’alourdissement de la fiscalité du transport aérien par exemple. Michel Barnier est libre : il peut transmettre au Sénat son projet de loi finances initial, vierge de toutes les modifications apportées par l’Assemblée ou avec peut-être quelques amendements mais qui ne vont pas à l’encontre de sa ligne budgétaire.

Certes, le président du groupe Socialistes, Écologistes et Républicain Patrick Kanner a dit son souhait de défendre au Sénat des amendements de la gauche adoptés à l’Assemblée. « Je souhaite notamment que la partie recette sur les plus aisés de nos concitoyens ou de nos entreprises ne soit pas uniquement du ponctuel mais du permanent », a-t-il déclaré sur Public Sénat ce mardi matin. Mais contrairement à l’Assemblée où, unis, les quatre groupes du NFP disposent de 192 voix et peuvent peser fortement sur les débats selon l’absentéisme du « socle commun » et le soutien ponctuel du RN, au Sénat la balle est dans le camp du Premier ministre.

Le « socle commun » sénatorial plus solide qu’à l’Assemblée ?

Le deuxième avantage de Michel Barnier est mathématique. Au Palais du Luxembourg, les groupes du gauche ne sont plus que trois : les socialistes de SER, les communistes du CRCE-K et les écologistes. Ensemble, ils comptent 98 sénateurs. La France insoumise n’est pas représentée, pas plus que le Rassemblement national. À mille lieues du rapport de force existant au Palais Bourbon.

Au Sénat, ce sont Les Républicains, famille politique de Michel Barnier, qui forment le groupe le plus important avec 130 sénateurs. Dans un hémicycle où la droite pèse plus lourd que les autres, le Premier ministre sait que les grandes lignes de son budget ont une chance d’être respectées, au moins en partie. Ce n’est donc pas un hasard si le 22 octobre, il a participé à la réunion du groupe LR où les échanges ont porté sur « la préparation budgétaire », selon le chef de file Mathieu Darnaud. Trois jours plus tard, Agnès Evren, sénatrice LR de Paris confirmait : « On sera très très loin de la foire aux impôts qu’on a vue à l’Assemblée nationale », cinglait-elle sur Public Sénat, soulignant la « confiance réitérée » de Michel Barnier envers les sénateurs LR pour « ajuster le budget initial ».

En parallèle, le Premier ministre pourra compter sur un « socle commun » plus solide qu’à l’Assemblée. Alors que les désaccords entre « wauquiéistes », « attalistes » et leurs alliés ont coûté des points au gouvernement, au Sénat on assure travailler en amont et surtout de concert. Selon L’Opinion, le président LR du Sénat Gérard Larcher a initié une réunion entre le président du groupe LR et ceux du camp présidentiel et alliés. « L’objectif est que le socle arrive en ayant pratiquement bouclé un accord », confie au quotidien Claude Malhuret, chef de file des Indépendants et membre du parti Horizons le 11 novembre.

Le début de l’examen du texte a été fixé au 25 novembre au Sénat, ce qui laisse aux chefs à plumes du Palais du Luxembourg une quinzaine de jours pour s’entendre. Et autant à Michel Barnier pour souffler… et négocier en terrain moins risqué.

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