«Regarde en haut», poésie de la différence

«Regarde en haut», poésie de la différence

Tous les vendredis, «Libération» fait le point sur l'actualité du livre jeunesse. Aujourd'hui, un album tout en hauteur venu de Corée.

On imagine l’éditeur de Jin-Ho Jung en plein dilemme puisqu’on a connu le même en parcourant Regarde en haut : à quel âge peut-on lire, comprendre et apprécier cet album tout en hauteur venu de Corée, aux planches en noir et blanc un peu arides, aux motifs répétitifs et à l’histoire dure et douce à la fois puisqu’elle aborde frontalement le handicap et l’isolement ?

Au final, Rue du monde n’a pas voulu trancher et Regarde en haut n’est assorti d’aucune recommandation de lecture. Mais sous l’écriture simple et cash – après l’accident «les roues de la voiture ne pouvaient plus rouler. Les jambes de Suji ne pouvaient plus marcher» – la poésie fait son chemin au fil des pages qui finiront par se teinter de couleur. Perchée sur son balcon, Suji regarde la rue en contrebas. Les passants, les chiens, les enfants, les parapluies défilent sous ses yeux. A part son fauteuil roulant qui se cogne à la rambarde, la tignasse noire de la petite fille ne bouge pas d’un poil mais son esprit, lui, se balade.

Et puis Suji en a marre de cette solitude imposée : elle demande qu’on regarde enfin en haut. Et paf, d’un coup, ceux qui pressaient le pas et fonçaient tête baissée s’allongent sur les pavés, levant le nez vers le balcon où Suji sourit. Récompensé au printemps dernier par un Bologna Ragazzi Awards, que certains présentent comme le Nobel de la littérature jeunesse, Regarde en haut aborde subtilement les questions de différences et d’intégration pour les plus jeunes lecteurs. Il invite aussi les plus grands à décaler leur regard et ralentir le pas. Précieux, et pour tous les âges donc.

Regarde en haut, de Jin-Ho Jung, traduit du Coréen, Ed. Rue du Monde, Collection Coup de Cœur d’ailleurs, 48 pp., 16 euros.



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