Refroidissement équatorial de l’Atlantique : ce que signifie vraiment cette étude américaine reprise par les climatosceptiques

Un océanographe de la NOAA a mis en garde sur le refroidissement rapide depuis juin de « l’Atlantique équatorial », sans remettre du tout en cause le changement climatique.
NOAA Un océanographe de la NOAA a mis en garde sur le refroidissement rapide depuis juin de « l’Atlantique équatorial », sans remettre du tout en cause le changement climatique.

CHANGEMENT CLIMATIQUE - Non, l’Atlantique n’échappe pas au changement climatique. Depuis mardi 20 août, de nombreux climatosceptiques ont surfé sur des articles aux titres réducteurs annonçant un « refroidissement inquiétant et rapide » de l’océan Atlantique depuis juin pour contester le réchauffement de la planète Bleue.

Tout a commencé par la reprise par la presse généraliste d’un article scientifique écrit par un océanographe et publié le 14 août sur le site de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

« Une grande partie de l’Atlantique Nord a été extrêmement chaude depuis le début de l’année, y écrit d’abord Franz Philip Tuchen, chercheur à l’université de Miami, avant de souligner que, depuis juin, la température de surface de la mer (SST) dans le centre de l’Atlantique équatorial a été de 0,5 à 1 degré Celsius plus froide que la moyenne pour cette période de l’année ».

Une petite zone équatoriale

Le « refroidissement » mentionné par l’océanographe ne concerne donc que la partie « équatoriale » de l’Atlantique et non pas tout l’océan, qui bat d’ailleurs des records de chaleur sans discontinuer depuis deux ans. Vous pouvez d’ailleurs observer sur cette carte, de l’agence américaine NOAA, que des pans entiers d’eau autour de cette zone équatoriale sont en « rouge », synonyme de températures plus élevées que la moyenne des autres années.

Un océanographe de la NOAA a mis en garde sur le refroidissement rapide depuis juin de « l’Atlantique équatorial », sans remettre du tout en cause le changement climatique.
NOAA Un océanographe de la NOAA a mis en garde sur le refroidissement rapide depuis juin de « l’Atlantique équatorial », sans remettre du tout en cause le changement climatique.

Sauf que cette information a été mal comprise et donc mal reprise par certains journaux, qui ont, par exemple, titré leur article de la manière suivante : « L’Océan Atlantique se refroidit à une vitesse record et personne ne comprend pourquoi ».

Il n’en fallait pas plus pour réveiller les climatodénialistes sur X, à l’instar de François Asselineau, président de l’Union populaire républicaine et ancien candidat à la présidentielle, qui a tancé sur son compte : « On nous dit que “l’Atlantique bat des records de froid et que nul ne sait pourquoi” ». Il s’insurgeait encore le 21 août contre un « nouveau bug dans le narratif du réchauffement ». Tandis que Florian Philippot, le président du parti Les Patriotes et grand habitué de la propagation de fausses nouvelles, laissait entendre que le modèle climatique du Giec était « faux ».

« Niña atlantique »

En réalité, il n’est pas « anormal » que cette zone de l’Atlantique soit plus fraîche à cette période de l’année. Le cycle saisonnier de cet océan est assez particulier : les eaux sont plus chaudes au printemps et plus fraîches en juillet-août sous l’effet des vents alizés. Les alizés chassent en effet les eaux plus chaudes de surface et font remonter les eaux plus froides du fond de l’océan.

Cependant, tous les 3 à 7 ans environ, cette langue d’eau froide devient nettement plus froide ou nettement plus chaude. Les événements froids sont appelés « Niñas atlantiques » et les événements chauds « Niños atlantiques ». Cette année, si les conditions froides persistaient jusqu’à la fin août, « le phénomène connu de Niña Atlantique pourrait se déclarer », précise à ce propos le chercheur spécialiste des phénomènes océanographiques, qui détaille ses observations dans son article.

Passage rapide d’une anomalie chaude à froide

Ce qui inquiète davantage Franz Philip Tuchen en revanche, c’est la rapidité de la variabilité des températures dans l’océan Atlantique équatorial cette année. « L’année 2024 a commencé par des températures de surface de la mer extrêmement chaudes en février et mars, avec des températures supérieures à 30 degrés Celsius » , note-t-il, précisant qu’un tel épisode de chaleur n’avait jamais été enregistré depuis 1982. Puis en seulement trois mois, une anomalie froide est arrivée. Une transition aussi « rapide » n’avait jamais été observée.

Le passage du chaud au froid est d’autant plus surprenant que les vents alizés ont diminué dans cette zone de l’Atlantique, ce qui aurait dû être synonyme d’augmentation de la température de l’océan. D’où les interrogations des scientifiques. « La raison de ce surprenant changement brutal est donc plus complexe et nécessite des investigations poussées », confirme à Libération Florent Gasparin, océanographe physicien à l’Institut de recherche pour le développement (IRD-Legos).

Si les scientifiques n’ont pas encore trouvé l’explication derrière ce rafraîchissement, ils alertent en revanche sur le réchauffement sans précédent des mers et océans du globe d’un point de vue mondial. Depuis les années 1980, la Méditerranée a pris en moyenne de 0,4 °C par décennie, et a battu le 15 août un record absolu de chaleur journalière. Le cas de l’Atlantique est donc une minuscule goutte d’eau froide dans une Planète bleue en surchauffe.

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