Réforme des retraites : que peut changer le RIP ?

Un manifestant réclame un référendum lors d'une manifestation contre la réforme des retraites au Mans le 7 mars 2023 (Photo JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)
Un manifestant réclame un référendum lors d'une manifestation contre la réforme des retraites au Mans le 7 mars 2023 (Photo JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Les opposants à la réforme des retraites ont en majorité placé leurs espoirs dans le Referendum d'Initiative Partagée, examiné vendredi par le Conseil Constitutionnel.

Quel avenir pour la mobilisation contre la réforme des retraites ? Le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision vendredi en fin de journée et décider si le projet de loi du gouvernement est validé dans son ensemble, partiellement ou bien retoqué.

Une décision qui actera la fin du "processus démocratique" évoqué par la majorité et qui pourrait clore le volet manifestations, si l'on en croit certaines organisations syndicales : "il n’est pas question de contester la légitimité du Conseil constitutionnel (...) on reconnaîtra sa décision mais ça ne veut pas dire qu’on arrêtera de dire ce qu’on pense de cette réforme", a notamment affirmé Laurent Berger lors des manifestations du 6 avril. Des propos interprétés par certains comme un renoncement aux manifestations chaque semaine contre la réforme des retraites.

Le RIP, principal espoir des opposants

Une mobilisation dans les rues qui s'érode lentement au fil des semaines, laissant peut être présager d'un changement de mode d'action pour s'opposer à la réforme des retraites.

Parmi les pistes évoquées pour poursuivre l'opposition malgré la décision du Conseil constitutionnel celle du RIP, référendum d'initiative partagée, sur lequel les Sages doivent également se prononcer vendredi et qui est dans tous les discours des opposants à la réforme depuis le 17 mars et le recours à l'article 49.3.

Récolter 4,8 millions de signatures en 9 mois

Première étape, déjà franchie, le dépôt d'une proposition de loi référendaire par au moins un cinquième des membres du Parlement, soit au moins 185 députés et sénateurs. 252 parlementaires ont déposé une proposition de loi pour que l'âge légal de départ à la retraite ne dépasse pas 62 ans. Cette étape doit désormais être validée par le Conseil constitutionnel, qui vérifie également que la proposition de loi est conforme à l'article 11 de la Constitution.

Si cette étape est franchie, la suivante est la plus difficile à atteindre lors d'un RIP, puisqu'elle n'a jamais été franchie : réussir à obtenir en neuf mois le soutien de 10% des électeurs inscrits sur les listes électorales, sous la forme de la signature d'une pétition, essentiellement sur un site dédié et sécurisé.

L'intersyndicale pourrait avoir un rôle clé

La dernière tentative de RIP, en mars 2020 contre la privatisation d'Aéroports de Paris, avait échoué à cette étape en obtenant 1 093 030 soutiens, sur 4,7 millions requis. Le ministère de l'Intérieur dispose d'un mois après la décision du Conseil constitutionnel pour mettre en place le site Internet dédié au recueil des signatures.

Un seuil qui ne fait pas peur aux parlementaires à l'origine du texte, qui comptent bien se reposer sur l'intersyndicale et sa capacité à mobiliser plusieurs millions de personnes dans les rues pour accélérer le recueil des soutiens. "Nous sommes très confiants sur notre capacité à récolter les signatures nécessaires. Nous ferons un point avec l’intersyndicale pour organiser les choses. Mais vous pouvez compter sur nous pour avoir le savoir-faire nécessaire pour que les Français puissent s’exprimer", a déclaré le député communiste Sébastien Jumel, mardi, lors d’un point presse à l’Assemblée nationale.

Pas de pause pour la réforme en cas de RIP

Durant cette période de récolte des signatures, qui s'étalerait jusqu'à début 2024, la réforme des retraites ne serait pas pour autant suspendue, malgré les souhaits des opposants au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui a "lu un certain nombre d'analyses", affirme quant à lui que "même si le Conseil constitutionnel validait la demande de référendum, cela n'empêche pas la mise en œuvre du texte tel qu'il a été adopté".

Pour autant, soulignait le constitutionnaliste Dominique Rousseau dans Le Monde, la mise sur pause de la réforme n'est pas exclue, le chef de l'État "en a le droit et il est même souhaitable qu'il le fasse, pour éviter tout conflit avec la procédure référendaire et apaiser la colère citoyenne", détaillait-il.

Rien n'oblige à un référendum

Car le gouvernement vise une mise en application au 1er septembre 2023. Ce qui signifie, si le calendrier est respecté, que la réforme pourrait s'appliquer alors même qu'un recours est lancé, pouvant aboutir vers la mi-2024.

Si le processus aboutit à plus de 4,8 millions de signatures en neuf mois, et une fois validées par le Conseil constitutionnel, débute ensuite un délai de six mois, laissé à l'Assemblée nationale et au Sénat pour examiner la proposition de loi référendaire, soit jusqu'en juillet 2024... en plein Jeux Olympiques à Paris.

Même si le processus arrive jusqu'à cette étape, le referendum n'est qu'une option. Il suffirait en effet que Parlement se saisisse de la proposition de loi dans les six mois suivants le recueil des signatures pour éviter le déclenchement d'un referendum à l'issue quasi-certaine au vu des sondages, avec près de 7 Français sur 10 opposés à la réforme.

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