Réforme du chômage : pourquoi le taux national du chômage n'est pas un très bon indicateur

Une réforme de l'assurance chômage va entrer en vigueur le 1er février 2023 (Crédits : PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images).

Le gouvernement va encore durcir les règles des allocations pour les chômeurs, en se basant sur la moyenne nationale du taux de chômage.

Encore du nouveau du côté de l'assurance chômage. Un an après avoir modifié le régime des allocations, le gouvernement va encore le réformer. A partir du 1er février 2023, la durée d’indemnisation pourra diminuer de 25% lorsque le marché de l’emploi est dans le "vert". S’il est dans le "rouge", la durée d’indemnisation restera identique à aujourd’hui, selon le principe un jour travaillé, un jour indemnisé, avec un maximum de 24 mois pour les moins de 53 ans, 30 mois pour les 53-54 ans et 36 mois pour les personnes âgées de 55 ans ou plus.

Un critère unique pour décréter si l'emploi se porte bien ou mal

"Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit", a expliqué le ministre du Travail Olivier Dussopt lundi. Mais comment savoir si le marché du travail va bien ou mal ? Le gouvernement a retenu un seul critère, le taux national du chômage, publié chaque trimestre par l’Insee. Lorsqu’il sera inférieur à 9%, alors les chômeurs seront indemnisés moins longtemps.

S’il repasse au-dessus des 9%, ou s’il augmente de 0,8 point en un trimestre, alors la durée d’indemnisation reviendra "à la normale". Le gouvernement projette que le taux de chômage se maintienne autour de 7% d’ici à février et l’entrée en vigueur de la réforme. Ce seuil de 9% a été choisi car c'est le taux moyen sur les 20 dernières années. Mais il masque de nombreuses disparités.

Les variations en fonction de l'âge

Par exemple, le taux de chômage varie beaucoup en fonction de l’âge. Les 15-24 ans actifs sont beaucoup plus nombreux à être inscrits à Pôle emploi. Leur taux de chômage est environ deux fois plus important que la moyenne nationale. Pour les syndicats de travailleurs, cette réforme risque donc "d’accentuer la précarité des jeunes".

Des réalités différentes selon les territoires

Les disparités se font aussi sentir au niveau régional et départemental. Dans le Cantal, 4,3% de la population active était au chômage en 2021 (presque deux fois moins que la moyenne nationale), contre 12,3% dans les Pyrénées-Orientales par exemple (4 points au-dessus de la moyenne nationale).

Les outre-mer écartés de la réforme

L’écart est encore plus frappant dans les territoires d’outre-mer, qui n’apparaissent pas sur la carte ci-dessus : en 2021, le taux de chômage était de 18% à La Réunion, 17,2% en Guadeloupe, 14,5% en Guyane et 12,9% en Martinique. D’ailleurs, le gouvernement a choisi de ne pas mettre en place sa réforme dans ces départements, en raison du contexte économique "trop particulier".

Les détracteurs de la réforme prédisent qu'elle aggravera les disparités territoriales. Si la moyenne nationale du chômage passe sous les 9%, les chômeurs vivant dans des départements plus touchés par le chômage risqueraient d'être pénalisés. Un temps envisagée, la modulation de l'indemnisation en fonction de la situation locale de l’emploi n'a pas été retenue par le gouvernement. Elle aurait été trop "complexe" à mettre en œuvre, dixit Olivier Dussopt.

"Ça créerait évidemment des inégalités de traitement sur le territoire. Il est évident qu'être chômeur à Paris ou être chômeur dans le bassin d'emploi dieppois (...) ce n'est effectivement pas tout à fait la même chose", a déclaré Pierre-Edouard Magnan, président national du Mouvement des chômeurs et précaires, sur France Bleu Normandie.

Des métiers qui recrutent moins que d'autres

Enfin, toutes les professions ne sont pas confrontées aux même dynamiques de l’emploi. Ainsi, en 2022, les métiers qui ont le plus recruté étaient notamment dans les secteurs de la restauration, l’agriculture, le soin, ou l’aide à domicile, selon l’enquête de Pôle emploi sur les intentions d’embauche. En revanche, d’autres ont très peu embauché : personnel navigant de l’aviation (540 postes), interprète (630), contrôleur des transports (150) ou encore sage-femme (470), comptaient parmi les offres d'emploi les plus rares, sur un total de plus de 3 millions de projets de recrutement. A titre de comparaison, il y a eu près de 116 000 offres d'emploi de serveurs.

A ce stade, il est bien sûr difficile de prédire si cette réforme va accentuer ces inégalités. Les partenaires sociaux doivent renégocier les règles de fonctionnement de l'assurance-chômage, d'ici à la fin 2023. Mais le gouvernement a d’ores et déjà prévenu qu’il veut conserver la modulation de la durée de l'indemnisation en fonction de la conjoncture économique.

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