Publicité

Inflation négative dans la zone euro pour le 1ère fois depuis 2009

L’INFLATION DANS LA ZONE EURO

par Jan Strupczewski

BRUXELLES (Reuters) - L'inflation en zone euro est passée en territoire négatif en décembre pour la première fois depuis 2009, principalement sous l'influence de la baisse des prix de l'énergie, selon la première estimation publiée mercredi par Eurostat.

Les prix à la consommation dans les 19 pays de la zone euro (avec la Lituanie) ont baissé de 0,2% sur un an en décembre.

Cette baisse des prix, plus forte que prévu puisque les économistes prévoyaient en moyenne un repli de 0,1%, marque un décrochage par rapport à l'inflation de +0,3% en novembre et vient accentuer les pressions sur la Banque centrale européenne (BCE) pour qu'elle lance un programme de rachat d'obligations souveraines afin de soutenir l'activité dans la zone euro.

L'indice des prix à la consommation n'avait plus été en territoire négatif depuis octobre 2009, quand il était à -0,1%.

"C'est probablement le chiffre dont (la BCE) avait besoin", commente Peter Vanden Houte, responsable de la recherche économique chez ING. "L'économie est faible et l'inflation négative. Cela devrait suffire", ajoute-t-il.

Les principales Bourses européennes gagnent plus de 1% après ce chiffre tandis que l'euro se traite à de nouveaux plus bas de neuf ans face au dollar, sous la barre de 1,1820, vers 15h.

Le ministère allemand des Finances a fait savoir pour sa part qu'il restait convaincu de l'absence de risque de déflation en zone euro malgré ce chiffre, a dit un porte-parole du ministère.

Hors énergie et alimentation, l'indice marque toutefois une hausse de 0,7% sur un an, comme en novembre et octobre.

Les prix de l'énergie ont chuté de 6,3%, après un recul de 2,6% en novembre, alors que les prix sont demeurés stables pour l'alimentation et le tabac (contre 0,5% en novembre), ainsi que pour les biens industriels hors énergie (contre -0,1% en novembre), a précisé Eurostat. La seule hausse annuelle concerne les services, en augmentation de 1,2%.

Les cours du pétrole ont baissé de plus de 50% depuis leur pic du mois de juin, avec un baril de Brent autour de 51 dollars mercredi.

"Du fait de la nouvelle chute des prix du pétrole, la tendance à la baisse de l'inflation devrait se prolonger dans les mois à venir. Nous tablons sur une autre forte baisse du taux d'inflation IPCH (harmonisée aux normes européennes) en janvier, à environ 0,5% sur un an," dit Gizem Kara, responsable de la recherche économique en Europe pour BNP Paribas.

"L'inflation IPCH évoluera ensuite autour de zéro en 2015 selon nos prévisions."

LA GRÈCE COMPLIQUE ENCORE LA DONNE

Depuis le lancement de l'euro en 1999, l'inflation n'a été négative qu'une seule fois, pendant une période de cinq mois, en 2009, même si elle est inférieure à 1% - limite en-dessous de laquelle la BCE parle de "zone de danger" - depuis octobre 2013.

Dans un contexte de taux d'intérêt déjà quasi nuls, la BCE pourrait se lancer dans un programme d'assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE) d'injection de liquidités dans l'économie de la zone euro pour soutenir la demande et relancer l'inflation vers son objectif, proche de 2%.

La banque centrale tient sa prochaine réunion monétaire le 22 janvier et pourrait annoncer à cette occasion ce programme de rachat de dette souveraine sur le marché secondaire, comme l'a laissé entendre son président Mario Draghi le 1er janvier en affirmant que l'institution "agirait" si l'inflation restait trop faible trop longtemps.

"Nous sommes en pleine préparation technique pour ajuster l'ampleur, le rythme et la nature des mesures qui seraient à prendre début 2015 s'il devient nécessaire de réagir à une trop longue période de faible inflation. Il y a unanimité là-dessus au sein du Conseil des gouverneurs", a-t-il déclaré.

Certains responsables européens ont récemment indiqué que la BCE pourrait demander à certaines banques centrales de pays comme la Grèce ou le Portugal de constituer des provisions pour couvrir d'éventuelles pertes dans le cadre de ce programme.

La mise en place d'une telle mesure ferait peser une part plus importante du risque de ces rachats de dette sur les Etats individuels ce qui, selon certains observateurs, fragiliserait le bloc qui vient d'accueillir la Lituanie ce mois-ci.

Pour compliquer encore la donne, la Grèce tient des élections législatives anticipées le 25 janvier et le parti de gauche Syriza, connu pour ses positions anti-austérité, mais qui n'est pas partisan d'une sortie de la Grèce de la zone euro, est donné en tête des intentions de vote.

"Le problème grec pourrait compliquer l'annonce (de la BCE) sur le QE", note Nick Kounis, économiste chez ABN Amro.

"Nous nous attendons à ce que la BCE annonce qu'elle va s'engager dans un programme de rachat d'actifs à grande échelle, lors de sa réunion de janvier. Toutefois, elle pourrait attendre jusqu'au mois de mars pour entrer dans les détails afin de se donner une chance de voir comment la situation évolue en Grèce."

Dans un rapport distinct, Eurostat a également annoncé que le taux de chômage en zone euro était resté stable à 11,5% au mois de novembre, même si le nombre de personne sans emploi a augmenté de 34.000 par rapport au mois précédent.

(avec Philip Blenkinsop à Bruxelles et John O'Donnell à Francfort; Véronique Tison et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Patrick Vignal)