Le Rassemblement national revendique (un peu vite) cette décision de l’Allemagne sur l’immigration

Thomas Ménagé, photographié avec Marine Le Pen, le 27 à l’Assemblée nationale (illustration)
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Thomas Ménagé, photographié avec Marine Le Pen, le 27 à l’Assemblée nationale (illustration)

POLITIQUE - À défaut d’avoir pu le faire le soir du deuxième tour des élections législatives, le Rassemblement national crie victoire. Cela ne concerne pas pourtant la France mais l’Allemagne, qui a décidé de durcir sa politique migratoire. Berlin a en effet annoncé lundi 9 septembre instaurer des contrôles à l’ensemble de ses frontières pour lutter contre l’immigration illégale. Une mesure prise sous pression électorale de l’extrême droite allemande dont le parti phare, l’AfD, a remporté une victoire historique en Thuringe.

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Concrètement, des contrôles avec la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark vont être établis à partir du 16 septembre, lesquels s’ajouteront aux contrôles déjà en place aux frontières avec la Pologne, la République tchèque, l’Autriche et la Suisse. Pour Berlin, il en va de « la protection de la sécurité intérieure contre les menaces actuelles du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière », deux semaines après l’attentat de Solingen revendiqué par le groupe État islamique.

Durcissement

Pour plusieurs responsables du Rassemblement national, cette mesure n’est qu’une application du concept de « double frontière » défendu par Jordan Bardella durant la campagne des élections européennes. « 5 mai 2024 : Valérie Hayer explique qu’elle ne comprend pas très bien le principe de double frontière, concept d’extrême droite. 9 septembre 2024 : l’Allemagne, dirigée par un chancelier de gauche, met en place la double frontière. Fin de la blague », tacle sur X le député RN du Loiret Thomas Ménagé. « Si même la gauche se met à copier le programme du RN... », ironise de son côté son collègue de l’Ain, Jérôme Buisson.

Certes le gouvernement dirigé par Olaf Scholz durcit incontestablement sa politique migratoire, au prix notamment d’une tension avec ses partenaires européens et d’un début de crise avec son voisin polonais. Pour autant, il est pour le moins exagéré d’affirmer que cette mesure, vécue comme une bascule en Allemagne, correspond à celle défendue, tant bien que mal, par Jordan Bardella durant les européennes. Une campagne durant laquelle il prenait déjà (et de façon toute aussi trompeuse) l’exemple allemand vis-à-vis de la Suisse. Premier élément de distinction : le caractère provisoire du rétablissement de ces contrôles, qui ne dureront que six mois, conformément aux règles en vigueur dans l’UE.

Rien à voir

Ce qui ne correspond pas vraiment à ce que prônait le favori des sondages, qui n’avait pas fixé de borne chronologique à l’instauration de sa mesure. Raison pour laquelle celle-ci avait été largement comprise comme contrevenant aux règles Schengen. Par ailleurs, la mesure allemande vise à lutter contre l’immigration illégale, et non réserver la libre circulation des personnes aux seuls ressortissants européens, comme le proposait Jordan Bardella. « Un Syrien qui obtiendrait un titre de séjour légal en Italie ne pourrait pas circuler dans les différents pays de l’UE », expliquait par exemple la tête de liste RN.

Ce qui avait poussé les cadres du RN à rivaliser d’imagination pour vendre la faisabilité de la mesure, à l’image d’Alexandre Loubet, alors directeur de campagne de Jordan Bardella. « Les étrangers non ressortissants de l’espace Schengen devront tout simplement demander un visa, auprès des autorités classiques et dans les conditions qui sont aujourd’hui en vigueur », expliquait-il au Monde, prétextant l’existence d’un système similaire (en réalité imaginaire) entre les différents États des USA. Ce qui ne correspond pas du tout à l’annonce allemande.

Durant son débat face à Gabriel Attal, Jordan Bardella avait également pris comme exemple celui de l’aéroport, où il existe une file pour les ressortissants Schengen, et une autre pour les extra-européens, suggérant que ce système pouvait être dupliqué aux frontières nationales. Rien à voir, encore, avec la décision prise par le gouvernement dirigé par Olaf Scholz. Et pour cause, plutôt qu’une restauration des filtrages, Berlin penche pour une intensification des contrôles.

« Ce sont des contrôles intelligents, on ne va pas arrêter chaque voiture, ni fermer les frontières comme au temps du Covid. La police des frontières va observer plus attentivement les passages », a justifié le socialiste Nils Schmid, cité par Le Monde. Berlin dit d’ailleurs travailler à une mesure « conforme au droit européen ». Ce qui n’était pas le cas de la « double frontière » proposée par Jordan Bardella, largement épinglée par des juristes.

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