Le Rassemblement national choisit une rentrée en catimini (et ce n’est pas un hasard)
POLITIQUE - Rangez hautbois, reléguez musettes. C’est en toute discrétion que le Rassemblement national organise sa rentrée politique, ce samedi 14 septembre, à Paris. Terminé le soleil de Beaucaire, fini l’air marin de Fréjus, c’est dans une salle sans âme (et sans militants) que les députés lepénistes ont été invités à se retrouver, sur fond de remise en question après la campagne des élections législatives.
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Car après un premier tour réussi et malgré 126 députés qui font du RN le premier groupe de l’Assemblée, le scrutin a jeté une lumière crue sur les limites de la formation présidée par Jordan Bardella.
Avant un conseil national élargi prévu dimanche, les cadres vont consacrer deux heures et demie aux enjeux européens et à la présentation du programme économique du RN. Comme s’il fallait allier rigueur et discipline pour chasser définitivement les démons de l’amateurisme et des investitures catastrophes. C’est en tout cas la volonté affichée par la direction du parti, alors que la menace de règlements de compte en interne plane sur cette rentrée. « Ces week-ends sont traditionnellement coûteux, festifs, parfois lointains pour certains élus. Il n’est pas plus mal que les cadres se retrouvent ensemble pour réfléchir à la suite des événements », justifie le vice-président Louis Aliot, cité par L’Express.
« Un peu violent »
Auprès du HuffPost, un député RN apprécie moyennement l’austérité du format choisi. « C’est beaucoup moins sympa que de se retrouver à Beaucaire. Se réunir dans une salle lugubre de l’Assemblée, sans lumière extérieure, c’est même un peu violent, voire bas de gamme. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas gagné, qu’on ne peut pas apprécier, de façon conviviale, notre progression », soupire ce parlementaire réélu sans difficulté dans sa circonscription. S’attendant à un climat « tendu », le même regrette que cette rentrée se fasse sans militants, même si un meeting est prévu à Nice début octobre.
Il faut dire que le parti à la flamme tricolore, qui travaille en parallèle sa défense dans l’affaire des assistants parlementaires, s’apprête à ouvrir le dossier qui fâche : la révision de l’organisation interne pour éviter les (multiples) boulettes des élections législatives, entre erreurs de casting et errements programmatiques. Après le départ du directeur général Gilles Pennelle début juillet, le député européen Aleksandar Nikolic a été chargé durant l’été de faire un audit des fédérations, pour repérer les dysfonctionnements et proposer des pistes pour les corriger. Selon le Nouvel Obs, l’eurodéputé a rendu ses travaux à Jordan Bardella. Il devrait donc en être question durant ces deux jours. Suffisant pour s’assurer un succès en cas de dissolution et de nouvelles élections législatives ? Notre député cité plus haut en doute.
« Crise de croissance »
« S’intéresser à l’organisation locale c’est bien, mais il faut surtout réfléchir à la façon dont on fait campagne. On n’a pas perdu 60 circonscriptions prenables parce qu’une casquette nazie a été révélée dans la presse. Est-ce que choisir “Jordan Bardella Premier ministre” comme slogan était une bonne idée ? Je ne le pense pas », tacle notre interlocuteur, qui voit dans ce choix la reproduction de « l’erreur » de la NUPES en 2022, qui promettait Jean-Luc Mélenchon à Matignon : « ça effraie le bloc central, qui se mobilise contre nous ».
Tergiversations sur la réforme des retraites, boulet de la double nationalité, flou artistique autour de la double frontière… Plusieurs bévues commises durant la campagne ne se régleront pas à travers une purge aux « brebis galeuses » entreprises dans les fédérations. Car il s’agit de dysfonctionnements dont la responsabilité revient à la tête d’un parti « en crise de croissance », selon les termes utilisés par un cadre, pour qui l’état-major ne pourra pas faire l’économie d’une remise en question.
Ce qui vaut autant pour Jordan Bardella que Marine Le Pen. Cette dernière s’est dotée d’un nouveau chef de cabinet et peaufine déjà une nouvelle garde rapprochée, détaille Le Figaro, alors que le président du RN cherche encore à étoffer son staff, jugé trop faible en interne. Autant de dossiers sensibles effectivement plus adaptés aux discussions à huis clos de la salle 6217 du Palais Bourbon qu’aux grandes fêtes de rentrée bucoliques. Mais alors que le parti d’extrême droite pourrait se séparer d’un tiers de ses délégués départementaux jugés fautifs, le risque est également grand de laisser du sang les murs.
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