Rapprochement avec Moscou : la Turquie à la croisée des chemins

C’est un rapprochement entre deux hommes forts, Erdogan et Poutine, que vient sceller la visite du président turc à Saint-Petersbourg, ce mardi, après plusieurs mois de relations glaciales. La brouille remonte au 24 novembre 2015, quand un bombardier russe est abattu par la chasse turque au-dessus de la frontière turco-syrienne. La Russie impose alors des sanctions à Ankara dans l’agriculture, la construction, le tourisme, et la coopération stratégique – dont le gazoduc Turkstream – est au point mort. Fin juin sonne toutefois l’heure de la détente, avec la main tendue d’Erdogan à Poutine. Le chef de l’Etat turc exprimes ses “regrets”. Poutine accepte. La réaction de ce dernier lors du putsch augure d’une nouvelle alliance entre les deux hommes forts. “Poutine a été un des premiers dirigeants à appeler Erdogan après le coup d’Etat, et il a déclaré son soutien inconditionnel au gouvernement turc, au gouvernement turc élu démocratiquement”, analyse Emre Erçen, spécialiste des relations russo-turques. Cette réaction russe contraste avec celle des alliés occidentaux; réaction d’abord timorée aux premières heures du coup d’Etat, puis partagée, ensuite, entre condamnation du putsch et appels à respecter l’Etat de droit. Un point sur lequel la Russie demeure quant à elle muette. Signe de la volonté d’Erdogan, qui se sent isolé, de se rapprocher de cet alter ego combatif : sa visite à Saint-Petersbourg est la première qu’il effectue à l‘étranger depuis le coup d’Etat. Au menu des discussions figure notamment le règlement du conflit syrien, même si les positions d’Ankara et de Moscou divergent. La Russie appuie Bachar el-Assad, que la Turquie souhaite voir quitter le pouvoir. Les relations entre les deux pays n’ont jamais été simples, mais elles pourraient bénéficier de ce nouveau socle que constitue la détérioration des relations avec les puissances occidentales. Les tensions grandissantes entre Ankara et l’Union européenne ont même menacé l’accord sur les migrants signé le 18 mars. Il prévoit que la Turquie s’engage à juguler les flux migratoires vers le vieux continent, en contrepartie d’une accélération des négociations d’adhésion à l’UE, et de la délivrance de visas Schengen pour les citoyens turcs. Cette mesure, toutefois, tarde à être appliquée, non sans provoquer l’ire d’Erdogan. Autre sujet qui fâche, à Bruxelles cette fois : l‘éventuel rétablissement de la peine de mort en Turquie. Un point sur lequel est revenu le président Erdogan lors d’un rassemblement géant, ce dimanche à Istanbul. “La souveraineté reste inhérente à la nation. Si les gens veulent la peine de mort, alors je pense que les partis politiques doivent suivre la volonté du peuple”, a-t-il déclaré. Reste à voir comment Bruxelles se positionnera face à la fermeté d’Erdogan, à son rapprochement avec Moscou, et à la crainte d‘être confrontée à une nouvelle crise migratoire. Avec AFP