"Raconter ces détails glauques, personne n'a envie de le faire": les accusatrices de Damien Abad témoignent
Margaux et Chloé, les deux accusatrices du nouveau ministre des Solidarités, ont accepté de témoigner dans l'émission "À l'air libre" de Médiapart. L'une anonymement, l'autre non.
C'est quand elle entend, fin avril, le nom de Damien Abad qui circule pour faire partie du nouveau gouvernement que Chloé - dont le prénom a été modifié - lance l'alerte le 13 mai à l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. "Par la présente, je souhaite témoigner de faits de viol concernant Damien Abad, député LR de l’Ain, pressenti pour rejoindre le gouvernement, et de facto investi par Renaissance dans l’Ain", signalait-elle alors.
Ce mardi dans l'émission "À l'air libre" de Mediapart, elle raconte à nouveau son récit, après une première enquête publié le 21 mai: un restaurant, un verre de champagne qu'elle se souvient très bien boire et un black-out jusqu'au lendemain où elle se réveille dans une chambre d'hôtel "en sous-vêtements", "courbaturée", "dégoûtée" et "groggy".
Dos à la caméra et d'une voix modifiée, elle explique également pourquoi elle a accepté de le revoir, quelques mois après avoir été droguée et violée selon elle. Et pourquoi elle n'a pas porté et ne portera pas plainte.
"Il a insisté pour que je vienne le voir à Lyon. J'ai fini par accepter, au débotté. Je voulais savoir ce qu'il s'était passé, je voulais savoir comment il se conduirait. C'était la première fois que je le revoyais (...) Dans son attitude, j'aurais pu trouvé des clés sur ce qui avait pu se passer", éclaircit-elle.
Lors de cette entrevue, Chloé, déçue, trouve un Damien Abad "très mal à l'aise", "il ne se passe rien", raconte-elle. Elle repart "désarçonnée" et "interloquée".
"Porter plainte pour quoi?"
Après son signalement, Chloé est consciente que le Parquet n'ouvrira aucune enquête, "faute de moyens" ou de "volonté politique". Aux personnes "hypocrites" d'après elle qui lui demandent pourquoi elle ne porte pas plainte, elle répond, agacée:
"Porter plainte pour quoi? Pour qu'à la fin Damien Abad et tout le monde puisse dire: 'Oui, mais c'est classé sans suite donc il s'est rien passé?"
"Je ne veux pas me lancer dans un parcours de la combattante extrêmement onéreux, extrêmement humiliant", développe-t-elle, "raconter cette histoire, raconter ces détails glauques, personne n'a envie de le faire, moi j'ai pas envie de revenir là-dessus en fait". Le parquet de Paris a fait savoir qu'il n'ouvrirait pas d'enquête préliminaire "en l'état" sur son signalement, faute "d'élément permettant d'identifier la victime des faits dénoncés".
La femme de 41 ans dit à cette occasion toute "l'admiration" qu'elle a pour Margaux, l'autre accusatrice de Damien Abad qui, elle, a porté plainte à deux reprises, en 2012 et en 2017. Les deux ont été classées sans suite. "Aujourd'hui ce type de classement dédouane complètement potentiellement un auteur de violences sexuelles, un violeur" déplore Chloé.
Le ministre des Solidarité, de l'Autonomie et des Personnes handicapées nouvellement investi conteste, lui, toujours les faits. Il prétend que son handicap l'empêcherait de contraindre ses partenaires à un acte sexuel.
Margaux qui a elle aussi accepté de raconter son récit devant les caméras, mais à visage découvert, démonte ce mardi cette défense: "Continuer à faire ce qu'il a fait alors que j'ai dit 'non', c'est un viol, y'a pas besoin qu'il ait eu la force de me plaquer au sol, pas besoin qu'il ait eu une arme (...) C'est dégueulasse pour toutes les personnes handicapées de prendre ça comme un étendard". Elle déplore toujours qu'il n'ait pas subi d'examen médico-légal.
Article original publié sur BFMTV.com
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