Racisme, homophobie, maltraitance... Le témoignage accablant sur les cellules du tribunal de Paris

C’est au sous-sol de ce bâtiment, le tribunal judiciaire de Paris, que se trouve le dépôt, le lieu où la majorité des faits révélés par StreetPress se sont déroulés.

Le témoignage d’un brigadier chef à la préfecture de police de Paris et la divulgation de plusieurs centaines de documents internes ont permis au site StreetPress de révéler l’affolant envers du décor qui règne au sein des cellules du tribunal de Paris.

Des révélations choquantes. Lors d’un témoignage accordé au média StreetPress, un policier dénonce les très nombreux cas de maltraitance et de racisme dont sont victimes les détenus enfermés dans les cellules du tribunal de grande instance de Paris. Plus d’un millier d’entre eux auraient subi de la part de policiers des insultes racistes, homophobes, des humiliations, des privations de nourriture, des refus de soins médicaux ou encore des vols d’argent et de matériel.

Dans les sous-sol du TGI de Paris se trouvent pas moins de 120 cellules dépourvues de lumière naturelle, surveillées en permanence par près de 200 fonctionnaires. Parmi eux, une vingtaine en poste la nuit ont fait vivre un enfer aux déférés pendant près de deux ans, comme le rapporte StreetPress, qui s’appuie sur le témoignage du brigadier-chef Amar Benmohamed, d’autres nombreuses sources et plusieurs centaines de documents internes.

Les détenus surnommés “les bâtards”

C’est au lors du premier semestre de l’année 2017 que ce qu’Amar Benmohamed décrit comme de la “torture” aurait commencé dans le dépôt, lorsque les effectifs des fonctionnaires expérimentés ont été remplacés par des jeunes policiers à peine sortis d’école. Le brigadier-chef également délégué syndical chez Unité SGP-Police se rappelle que dès leur prise de fonction, ces jeunes policiers ont tout de suite adopté des comportements indignes de leur fonction. Ils se mettent par exemple à appeler les déférés les “bâtards”.

Dès leur arrivée, le nombre d’incidents avec les détenus augmente, c’est pourquoi Amar Benmohamed décide de s’intéresser de près à cette nouvelle équipe et découvre très rapidement les propos proférés à l’encontre des déférés : “Ferme ta gueule, sale bougnoule”, “negro”, “sale race”, “sale pédé”, “va te faire enculer”. Des insultes racistes et homophobes dont ne semblent pas se cacher les fonctionnaires de police, à tel point que le microphone censé être réservé aux annonces générales aurait même parfois été utilisé pour réveiller les occupants des cellules : “Allez debout les bougnoules et les negros, c’est fini de dormir, on se réveille.”

Des crachats dans les barquettes de repas

Comme il le déclare à StreetPress, le brigadier-chef n’a pas manqué d’intervenir dès qu’il était témoin de ces scènes, mais pourtant, rien n’y change. Il raconte qu’il a dû hausser le ton pour forcer une fonctionnaire de police à donner un verre d’eau à une détenue. Si les privations d’eau ne sont plus d’actualité car les nouvelles cellules sont occupées de robinet, les privations de nourriture sont monnaie courante au dépôt de nuit pendant plus de deux ans. “En plus d’être verbalement stigmatisés au moment de leur fouille, les déférés qui avaient eu ‘le malheur’ d’entrer dans la joute verbale […] se voyaient parfois privés de nourriture durant plusieurs heures, voire même durant la nuit entière”, raconte-t-il. Certains avaient même pris l’habitude de cracher dans les barquettes de repas des détenus, ou de faire croire aux musulmans qu’il y avait du porc dans les repas pour qu’ils se privent de repas.

“Une véritable fournaise”

Amar Benmohamed révèle également avoir appris que certains policiers coupaient volontairement les ventilations dans les cellules l’été. “À l’intérieur, où étaient enfermées parfois plus de 15 personnes, ça devenait une véritable fournaise. [...] Je crois qu’on n’est pas loin de la torture.”

Hormis ces actes “de barbaries” comme il les décrit, le délégué syndical chez Unité SGP-Police dénonce également les vols commis par ces jeunes fonctionnaires de police. Argent en liquide, tablette numérique et autres objets appartenants aux déférés mais confisqués lors de leur entrée en cellule sont récupérés par les gardiens de la paix. Pris la main dans le sac par un collègue, l’un des fonctionnaires aurait déclaré : “Le bâtard ne parle pas un mot de Français, tout le monde s’en fout de lui.”

Les supérieurs déjà au courant de ces pratiques

Plusieurs fonctionnaires ont confirmé, face à l’IGPN ou à leurs supérieurs, l’existence de ces vols d’argent ainsi que des maltraitances et des insultes racistes. Les supérieurs n’ignorent d’ailleurs pas ces pratiques comme le prouvent certains mails envoyés par des gradés, où on peut lire : “Les propos à caractère raciste/injurieux/discriminatoires, que ce soit à l’égard des déférés ou même entre agents constituent des manquements graves susceptibles de poursuites judiciaires et administratives.”

Plus récemment, en juin 2020, un déféré s’est vu enlever son matelas et sa couverture après avoir reçu des insultes du type : “Retourne voir ton putain de psychiatre”, “ta copine, je la b****”, “si t’as faim suce ma b***”, “baltringue”. Les fonctionnaires l’ont également provoqué avec des paroles en relation avec ce qu’il se disait durant son audience comme le décès de son père biologique qui est “bien fait pour [lui]”.

Si Amar Benmohamed a obligé sa hiérarchie à réagir, il semblerait que cette dernière ait toujours la volonté d’enterrer ces affaires. Si L’IGPN a été saisie, aucune sanction n’a pour le moment été prise. StreetPress rapporte même que la plupart de ces fonctionnaires sont encore en poste au dépôt et que la majorité d’entre eux ont pris un grade.

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