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La Chine pèse sur les résultats de Diageo et de Rémy Cointreau

par Pascale Denis

PARIS/LONDRES (Reuters) - Les mesures de lutte contre la consommation ostentatoire en Chine ont lourdement pesé sur les ventes de Diageo, numéro un mondial des vins et spiritueux, et ont contraint jeudi Rémy Cointreau à un nouvel avertissement sur ses résultats.

Le britannique Diageo, propriétaire du whisky Johnnie Walker, de la vodka Smirnoff et d'une partie du fabricant de baiju Shuijingfang, a vu sa croissance reculer de 1,3% lors des trois premiers mois de l'année, plombé par une chute de 19% en Asie.

De son côté, le français Rémy Cointreau a vu ses ventes de cognac Rémy Martin plonger de 32,3% sur la période, après une baisse équivalente au trimestre précédent, portant à 20,8% le recul sur l'ensemble de son exercice 2013-2014 clos fin mars.

Ce nouveau décrochage a contraint le groupe à un nouveau profit warning, Rémy Cointreau anticipant désormais une chute comprise entre 35% et 40% de son résultat opérationnel courant (ROC) 2013-2014, alors qu'il tablait en novembre sur un recul de plus de 20%.

Sanctionnés par le marché après des chiffres inférieurs aux attentes, les titres Diageo et Rémy Cointreau perdent respectivement 4,2% et 4,14% à Londres et Paris à 13h25, entraînant dans leur sillage Pernod Ricard (-3,07%) et l'indice européen de la consommation (-1,3%).

Loin de s'alléger, les mesures anti-corruption qui touchent les cadeaux, les banquets et les très prisés karaokés, ont été au contraire renforcées par les autorités chinoises.

Touchant d'abord les grandes métropoles, elles se sont étendues aux villes de troisième ou quatrième rang ainsi qu'aux réseaux de distribution restés jusqu'ici relativement épargnés, comme les bars ou les discothèques en vogue, a précisé Luca Marotta, directeur financier de Rémy Cointreau.

CHUTE DE 40% PENDANT LE NOUVEL AN CHINOIS

Tous circuits de distribution confondus, la chute des ventes pendant le nouvel an chinois a atteint 40%, un chiffre supérieur aux attentes du groupe de spiritueux.

Faute d'amélioration du marché chinois, Rémy Cointreau a dit avoir poursuivi ses efforts de déstockage et a réaffirmé tabler sur une stabilisation des ventes des grossistes aux détaillants au cours de l'exercice 2014-2015 entamé ce mois-ci.

Cette stabilisation devrait permettre un redémarrage des ventes de cognac, surtout aux troisième et quatrième trimestre de l'exercice, qui pourrait se solder par une croissance comprise entre 5% et 10% en Chine.

Si tous les acteurs du cognac sont touchés, Rémy souffre plus que ses concurrents en raison de son positionnement haut de gamme mais aussi de sa dépendance vis-à-vis du seul cognac.

Le groupe est plus exposé que ses pairs aux qualités d'eaux-de-vie les plus haut de gamme - sans parler de Louis XIII, son flacon ultra-luxe à plus de 2.000 euros - les plus touchées par les mesures chinoises.

Par ailleurs, le cognac pèse pour 80% de son résultat opérationnel et la Chine pour environ 40%.

LVMH a vu les ventes de Hennessy, numéro un mondial du cognac, chuter en Chine de près de 30% entre janvier et mars, tandis que Pernod Ricard (Martell) a été contraint de réviser en baisse ses prévisions de résultats et a dit ne pas prévoir de rebond chinois avant 2015.

Les difficultés de Rémy Cointreau se sont doublées d'une crise au sein du management, avec la démission du nouveau directeur général du groupe suivie par celle du patron de Rémy Martin, nourrissant des interrogations sur sa stratégie.

"ÉNORME POTENTIEL"

Luca Marotta a tenu à souligner que le groupe - contrôlé par la famille Hériard-Dubreuil - avait déjà traversé de nombreuses crises au cours de sa longue histoire et n'avait jamais dévié de sa stratégie consistant à renforcer ses investissements jugés statégiques.

"La Chine ne fait pas exception", a-t-il dit, réitérant sa confiance dans l'"énorme potentiel de croissance à long terme" du pays, grâce notamment à la démographie, à la hausse du pouvoir d'achat et au développement attendu de la consommation privée.

Rémy Cointreau a averti que la baisse de ses profits doublée d'un maintien des dépenses d'investissement publicitaires se traduirait par une hausse "sensible" de la dette nette à fin mars 2014, sans plus de précision.

Les ventes totales de Rémy Cointreau, également propriétaire de la liqueur Cointreau et du rhum Mount Gay, ont atteint 186,0 millions d'euros au quatrième trimestre (-16,1% à taux de change constants) et 1,032 milliard d'euros sur l'ensemble de l'exercice (-10,7%).

(Avec Martine Geller à Londres, édité par Dominique Rodriguez)