Résurgence de la polio à Gaza: pourquoi les autorités sanitaires mondiales sont inquiètes

Cette maladie est susceptible d'handicaper à vie les personnes atteintes, en particulier les enfants, et peut entraîner le décès. La guerre à Gaza a dangereusement freiné la vaccination des nouveaux-nés, alors que les conditions de vie, d'hygiène et de salubrité multiplient les risques.

Une situation critique. Ce lundi 19 août, les États-Unis ont dit travailler avec Israël pour soutenir les efforts en vue de vacciner contre la polio les enfants de la bande de Gaza, assiégée depuis dix mois et où les habitants survivent dans des conditions humanitaires désastreuses.

Vendredi, un premier cas confirmé de cette maladie a été confirmé chez un bébé non vacciné, une première dans le territoire palestinien depuis 25 ans. Le même jour, l'ONU avait réclamé des "pauses humanitaires" d'une semaine pour vacciner plus de 640.000 enfants contre cette maladie extrêmement contagieuse.

Grâce à la vaccination et aux campagnes organisées sous l'égide de l'OMS à travers le globe, la polio a largement disparu dans le monde alors qu'elle était une menace encore très répandue il y a une quarantaine d'années. Comme le rappelle l'ONU, la polio a ainsi été déclarée éradiquée en Afrique en 2020.

Le virus persiste encore essentiellement dans deux pays: le Pakistan et l'Afghanistan, qui n'ont pas encore réussi à bloquer sa circulation sur leur territoire. Il a été aussi détecté en 2022 dans les eaux usées des villes de Londres, de Jérusalem et de New York sans pour autant déclencher d’épidémie, la vaccination étant généralisée.

"Tant qu'il y aura un seul enfant infecté par le poliovirus, les enfants du monde entier courront le risque de contracter la maladie", en raison de l'importante contagiosité du virus, met en garde l'OMS.

Ce virus "peut facilement être importé dans un pays sans polio, puis rapidement se propager à travers des populations qui n'ont pas été immunisées", résume l'OMS.

Pour que la polio soit véritablement éradiquée dans un territoire, il faut qu'au moins 95% des enfants de moins de cinq ans soient vaccinés. En France, le vaccin est obligatoire pour les bébés et un rappel est recommandé tous les 20 ans pour conserver son efficacité.

La poliomyélite est une maladie virale très contagieuse qui touche essentiellement les enfants âgés de moins de 5 ans. "Le poliovirus envahit le système nerveux et peut provoquer une paralysie totale en quelques heures", explique l'OMS.

Environ une infection sur 200 entraîne une paralysie irréversible et ce risque est démultiplié à l’échelle collective par le caractère contagieux du virus. La plupart du temps, celui-ci reste dans le système digestif et cause peu, voire pas, de symptômes. Mais, parfois, il migre dans le cerveau et peut aboutir à une paralysie plus ou moins grave de certains membres.

"5 à 10 % des personnes atteintes de poliomyélite paralytique décèdent des suites d’une paralysie des muscles respiratoires", précise l'OMS.

Le poliovirus se transmet principalement par voie oro-fécale ou, moins fréquemment, par une voie commune (par exemple de l’eau ou de la nourriture contaminée) et il se multiplie dans l’intestin avant d'attaquer le système nerveux.

À Gaza, parallèlement à la problématique de la vaccination, la dégradation catastrophique des conditions d’hygiène favorise la circulation du virus. "Les déplacements incessants de population, l'insécurité et l'insalubrité sont un cocktail parfait pour la propagation de maladies, notamment de la polio qui pourtant avait été éradiquée de la région il y a un quart de siècle", écrit l'ONU.

Pourtant, avant le conflit, la couverture vaccinale à Gaza était de 99%, contre 86% aujourd’hui. "180 bébés qui naissent tous les jours et évidemment, la grande majorité d'entre eux naissent dans des conditions très difficiles, dans des hôpitaux qui sont défaillants. Donc on peut considérer que la vaccination de routine qui a lieu sur tous les bébés après leur naissance ne se déroule pas correctement", explique à France info Jonathan Crickx, directeur de communication de l’Unicef pour la Palestine.

Selon un rapport publié en juillet par l’ONG néerlandaise PAX, des centaines de milliers de tonnes de déchets s'empilent dans les rues de la bande de Gaza, souvent à proximité des tentes des camps de personnes déplacées. Les Gazaouis sont souvent contraints d'utiliser de l'eau mélangée aux égouts, puisque 70% des pompes à eaux usées du territoire ont été détruites et pas une seule station d’épuration ne fonctionne.

"À maintes reprises, nous avons vu la poliomyélite prospérer dans des endroits touchés par les conflits et l'instabilité", déclarait au début du mois le directeur général de l'OMS. En 2017 en Syrie, une épidémie de polio a conduit à la paralysie d'au moins 74 enfants.

Dans la bande de Gaza, "déjà, les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires et l’hépatite A, entre autres, font des ravages. Tous les habitants de Gaza, ou presque, sont confrontés à l'insécurité alimentaire aiguë et à la faim de manière catastrophique, et des milliers d’enfants souffrent de malnutrition, ce qui les rend encore plus vulnérables aux maladies".

L'OMS veut donc rapidement vacciner plus de 640.000 enfants dans l'enclave palestinienne quotidiennement pilonnée par l'armée israélienne, mais l'opération demande une grande organisation logistique. "C'est impossible de faire une campagne de polio dans une zone de combat actif", a déploré António Guterres, qui demande un cessez-le-feu.

"Ces pauses dans les combats permettraient aux enfants et aux familles de se rendre en toute sécurité dans les centres de santé et aux agents de proximité d'atteindre les enfants", décrit l'OMS. Les lots de vaccin et leurs équipements visant à assurer la chaîne du froid, difficile à garantir dans de telles conditions, devraient transiter par l'aéroport Ben Gourion avant d’arriver dans la bande de Gaza.

En outre, pour que la campagne réussisse, il faut aussi que les lieux de vaccinations soient sécurisés, qu'il y ait suffisamment de carburant ou encore des réseaux de communication fonctionnels.

Article original publié sur BFMTV.com