"Toutes les régions sont touchées": le Sénat alerte sur la radicalisation islamiste en France

Une commission d'enquête du Sénat a étudié pendant neuf mois la radicalisation en France. - François Guillot
Une commission d'enquête du Sénat a étudié pendant neuf mois la radicalisation en France. - François Guillot

"Il faut agir vite." Cet impératif est celui des sénateurs qui, réunis en commission d'enquête, ont travaillé pendant neuf mois sur l'état de la radicalisation islamiste en France et sur les moyens pour combattre cette réalité. "Au-delà des convictions et des expériences de chacun, la réalité de la radicalisation islamiste s’est imposée par la multiplication des témoignages de terrain, dépassant la divergence des analyses et des prises de position parfois tranchées", établissent les députés dans leur rapport.

Cette commission d'enquête du Sénat, qui vient de rendre les conclusions de ses travaux, avait été installée au lendemain de l'attaque de la préfecture de police de Paris. Depuis novembre dernier, afin d'étudier "la diffusion des comportements qui remettent en cause le vivre ensemble", les sénateurs ont recueilli le témoignage de 67 chercheurs, membres du milieu associatif ou encore responsables politiques.

Balayant l'idée que la religion reste cantonnée à "la sphère privée", les sénateurs établissent le constat qu'"une minorité de la population française de confession musulmane tend à adopter un comportement dont l’intransigeance prend prétexte de la religion".

"Toutes les régions sont touchées"

Ces comportements toucheraient désormais toute la France. "Aujourd'hui en France, à part l'ouest, toutes les régions sont touchées", constate la rapporteuse du texte et sénatrice Les Républicains du Val-d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio. Si l'Etat ne réagit pas, elle estime que "dans quelques années, des quartiers, des pans entiers de territoires vont sortir de la République".

Le rapport vise plusieurs mouvements: les jihadistes, responsables de la vague d'attentats, mais aussi les salafistes, dont le nombre est estimé à 40.000 en France, ou les Frères musulmans, qui sont environ 50.000. Elle vise particulièrement le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) ou les Musulmans de France (ex-UOIF), réputés "proche des Frères musulmans". Une accusation récusée par la direction du CCIF.

Le projet de certains de s’emparer de certaines associations pour entraîner une partie de la population à vivre dans des normes et préceptes religieux continuent à avancer, a réagi Nathalie Delattre, présidente de la commission d'enquête sénatoriale. Nous avons fait des propositions pour pouvoir combattre cette volonté de ne pas faire société.

44 propositions

La sénatrice étiquetée Rassemblement démocratique et social européen appelle à "ne pas être dans le déni". Afin de réagir face à ce que les sénateurs qualifient de "séparatisme", ils ont établi une liste de 44 propositions visant tous les pans de la société, estimant que "la réponse ne saurait se limiter à des mesures de police". L'interdiction de territoire aux idéologues cadres des Frères musulmans est notamment évoquée pour lutter contre le phénomène.

Plus largement, l'accent est mis sur la détection des signes de radicalisation. Et pour cela, la commission appelle au rétablissement de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, passée sous le seul giron du ministère de l'Intérieur en décembre dernier. Les sénateurs appellent à "renforcer la formation des élus locaux sur la laïcité et l'islam religieux" et renforcer la coopération entre les maires et les cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire.

Suivi des écoles hors contrats

Ils appellent également à un "renforcement des moyens humains affectés au renseignement territorial". La commission d'enquête préconise en outre d'assurer, autant que faire se peut, une spécialisation des agents sur le suivi des mouvances de l’islam radical.

Les efforts doivent aussi se concentrer pour prévenir la diffusion de discours discriminatoires, haineux ou violents auprès des enfants. Les mesures proposées portent à la fois sur les écoles hors contrat, en créant une base de données des élèves qui y sont inscrits, ainsi que ceux qui font l'école à la maison. Les sénateurs visent enfin les associations et notamment sportives, afin de faciliter la fermeture des lieux qui diffuseraient ces messages radicaux. Des propositions dont le gouvernement pourrait s'emparer prochainement, alors que Marlène Schiappa vient d'être nommée ministre en charge de la Citoyenneté.

Article original publié sur BFMTV.com